Couples binationaux à Barcelone : « on est obligés de doubler les efforts »

couples binationaux à Barcelone

Communication, famille, amis, humour, culture, éducation. À chaque jour, son lot de défis pour les couples franco-espagnols à Barcelone. Lumière sur un quotidien riche de son originalité, dans lequel il faut redoubler d’efforts. 

Photo : Paola de Grenet-Ajuntament

¨Buenos días » ou « good morning » pour démarrer la journée ? « Ça dépend de l’humeur du matin », sourit Estelle, 29 ans, en couple avec Guillermo, un Espagnol. Depuis cinq ans, à Barcelone, les deux tourtereaux oscillent entre deux langues, deux cultures, deux pays. « On change d’une phrase à l’autre. Des fois, je parle en espagnol et il me répond en anglais. C’est assez déroutant pour les gens ». Et pour eux aussi, en réalité. Car à l’image de bon nombre de couples binationaux et bilingues, Estelle et Guillermo ont dû adopter une communication différente .

« C’est le plus gros challenge », confirme Astrid, 33 ans, originaire de région parisienne qui s’est mariée avec Pau, un Valencien. Ensemble, ils ont vécu pendant six ans aux Etats-Unis et désormais, ils tendent à inventer leurs propres mots en spanglish, en plus de s’essayer au français. Autant d’échanges, parfois marrants et mignons, d’autres fois compliqués et laborieux. « C’est super drôle d’être avec quelqu’un qui ne comprend pas toujours ta langue. Il y a des malentendus rigolos de temps en temps quand il essaie de parler en français ! Par exemple, il va me dire « je vais te manquer » au lieu de « tu vas me manquer ». » Des petits moments qui enchantent les journées. Mais qui, d’autres fois, vont de pair avec des incompréhensions ou des mauvaises interprétations, accentuées par la barrière de la langue dans les moments de conflits.

Des couples davantage portés sur la communication

Un mot mal choisi, une mauvaise référence employée, ou simplement des différences culturelles, peuvent générer des frictions. « On est obligés de doubler les efforts, d’être flexible et accorder le bénéfice du doute à l’autre. C’est difficile, mais finalement, c’est très positif », assure Astrid. Et sur ce point, tous confirment : ne pas avoir la même langue natale force à miser sur la communication. À accorder l’importance aux justes mots plutôt qu’aux émotions.

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Si bien qu’en cinq ans de relation, « on a peut-être eu une ou deux disputes. Mais c’est tout », renchérit Estelle. Lors des discussions délicates, l’entrepreneuse française et son compagnon espagnol optent pour l’anglais. Une langue neutre, qui n’est ni celle de l’un ni celle de l’autre. « Au moins, c’est plus juste et tu réfléchis à deux fois avant de parler. Parce qu’en espagnol, il pourrait argumenter plus vite que moi par exemple. » Le ton pourrait aussi monter rapidement. Alors qu’avec cette astuce, « ça ne ressemble pas à des engueulades », affirme Estelle. Premier compromis trouvé dans une vaste liste, oscillant entre petits bonheurs et petites contrariétés.

Humour, amitiés, culture, famille : des différences au quotidien

« Ne pas parler en français quand je suis fatiguée », donne  la jeune femme comme exemple de frustration. Que son mari ne soit pas 100 % intégré dans son cercle social francophone, « parce que mes amis rebasculent vite en français dans les conversations ». Frustrant aussi, de ne pas apprécier les mêmes sorties. Bérenger, Breton de 36 ans, en couple depuis huit ans avec une Catalane, aime dîner, prendre un verre ou tout simplement un café entre amis à domicile, comme cela se fait en France. « Alors que cette façon de faire déplaît à ma copine. Ici, ils vivent dehors ».

Déconcertant, aussi, de ne pas toujours vouloir passer du temps en groupe, à l’espagnole. « Jusqu’à ce que je rencontre Pau, je pensais être extravertie », plaisante Astrid. Déroutant, également, de ne pas accorder le même poids à la famille. « Il appelle sa mère tous les jours, par exemple, et ils s’écrivent très souvent. C’est une relation très forte. Dans un contexte français, on pourrait le prendre comme une invasion, mais c’est culturel ». Un point de vue partagé par Philippe, Français en couple avec une Espagnole depuis plus de 20 ans. « En Espagne, la famille est vraiment très importante, les gens essaient d’habiter près de leurs parents et se voient beaucoup, ce qui n’est pas tout à fait le cas en France ». Étonnant, justement, lorsqu’un Espagnol tutoie les beaux-parents et grands-parents français dès la première rencontre. « Alors que le copain de ma sœur a vouvoyé mon père pendant des années », se remémore Estelle.

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Et puis enfin, décontenançant de ne pas rire des mêmes choses. « Il est clair que l’humour est très différent. On avait regardé OSS117 avec mes parents et Guillermo riait davantage par mes réactions que des blagues du film. Et inversement, moi, avec les films espagnols », rajoute Estelle. D’autant qu’au-delà de l’humour, il s’agit aussi de comprendre et capter les références culturelles d’un pays et d’une enfance. Ces petits plus qui créent de la complicité…

« Par exemple, voyager en voiture et chanter à tue-tête ensemble ! », explique Astrid qui, grâce à sa grand-mère paternelle espagnole, possède quelques bases de pop-culture hispanique. Des petits riens qui, une fois acquis, permettent de connecter à des souvenirs d’enfance. « J’adore sentir qu’il est surpris quand je connais des chansons ou dessins animés de sa culture.” Un luxe dans les couples binationaux, une pointe de légèreté qui adoucit les obstacles du quotidien. Et ceux à venir.

Les enfants, le défi du futur

Car les défis à relever ne s’arrêtent pas toujours au présent. Estelle, enceinte de six mois, pense à l’éducation de son enfant. Et c’est décidé : bien que son mari ne parle pas français et qu’au sein du couple, les deux communiquent en anglais, elle élèvera son fils avec la langue de Molière.

Tandis qu’Astrid a déjà évoqué le sujet à son compagnon : « j’ai dit ça en plaisantant, mais en réalité, je ne rigole pas tant. Je veux que mon mari apprenne le français en même temps que notre enfant ». Un nouvel effort que la jeune femme s’apprête déjà à négocier. Binational ou pas, le couple est fait de compromis. Des consensus qui, mêlés à différents langages et cultures, deviennent richesses. Mais c’est un travail de tous les jours.

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