Le 22@, construit sur les friches industrielles de Poblenou, devait devenir le faste quartier créatif et technologique de Barcelone. Vingt ans après le lancement du projet, les promoteurs bradent les bureaux pour tenter de les remplir.
Construire un quartier tech sur un ancien quartier industriel. C’était le projet du 22@, un nom qui joue sur la référence donnée aux terrains industriels, 22a, et l’a transformé en 22@ pour symboliser l’arrivée des nouvelles entreprises technologiques. Mais voilà, elles ne sont pas arrivées aussi nombreuses que prévues et le quartier d’affaires prend parfois des allures de cité fantôme, avec d’immenses bâtiments complètement vides et peu de commerces. A la nuit tombée, lorsque la plupart des employés ont quitté les lieux, les rues désertes et sans charme résonnent d’un silence inhabituel pour la capitale catalane.
« C’est un record historique de superficies de bureaux vides », alerte Albert Valencià, porte-parole de l’association de quartier Observatori dels barris del Poblenou. Selon l’entité, 42% des bureaux du quartier ne sont pas occupés. Un chiffre un peu surévalué selon l’agence Salvills, qui estime cette proportion e à 23%. « Cela reste très élevé, reconnait Marie-Laure Fenet, directrice de Salvills à Barcelone, il y a maintenant plus de disponibilité dans ce quartier d’affaires, qui reste quand même dans la ville, que dans les villes de périphérie, et c’est du jamais vu ».
La pandémie a transformé le marché
Un peu plus de 300.000 mètres carrés sont ainsi actuellement inoccupés dans le quartier, avec de nombreux immeubles flambant neufs et jamais étrennés. « Jusqu’à la pandémie, on louait 100.000 mètres carrés par an, ce n’était donc pas une mauvaise décision de construire autant, mais avec la pandémie, la guerre en Ukraine et la hausse des taux d’intérêts, l’absorption du stock actuel n’est pas aussi rapide que prévu », explique l’experte. L’essor du télétravail a également redistribué les cartes. Si les prix moyens au mètre carré sont plus élevés en centre-ville, les entreprises préfèrent prendre moins grand en mettant en place un système de rotation des salariés présents sur site.
« C’est loin et c’est mort! », lâche Etienne, CEO d’une startup lorsqu’on lui demande pourquoi il n’a pas choisi le 22@ pour s’implanter. « Et si on veut attirer les meilleurs employés, être en centre-ville est un vrai plus, c’est facile d’accès et il y a de la vie », poursuit Nicolas Blasyk, fondateur de l’entreprise tech NuuBB. Pour courtiser les locataires, les promoteurs offrent donc de multiples avantages, à commencer par des réductions de loyer. « Ils ont commencé à proposer un mois gratuit par année de bail, actuellement on est plutôt à deux mois », révèle Marie-Laure Fenet. D’autres s’occupent d’aménager l’immeuble, qui devient immédiatement prêt à l’emploi, ou financent l’aménagement des entreprises locataires, en leur remboursant jusqu’à 125 euros par mètre carré.
Des logements pour remplacer les bureaux
Mais dans une ville où les logements se font trop rares et surtout trop chers, nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour transformer ces bureaux vides en appartements. Une idée que n’hésite d’ailleurs pas à avancer le président de l’association des entreprises du 22@. « Certains édifices ne respectent pas les nouveaux standards recherchés actuellement et sont devenus obsolètes, […] ils pourraient être transformés en logements » a déclaré Enrique Urreta au pure-player Nació.
On se calme, a répondu le maire de Barcelone, très business-friendly, Jaume Collboni. « Un tel plan ne s’improvise pas et ne se modifie pas en deux jours, car la conjoncture économique change ». D’ailleurs, le dernier plan municipal de gestion du 22@, mis à jour en 2020, avait déjà augmenté la proportion de logements dans le quartier. Indice, sans doute, que Barcelone avait bien vu un peu trop gros pour son quartier tech.