A côté des terribles noms d’Auschwitz, Treblinka ou Mauthausen, il faut ajouter celui de Rivesaltes. Cette tranquille commune près de Perpignan, célèbre pour son vin apéritif, est également le site hébergeant un camp de concentration dans lequel ont été tués des dizaines de milliers d’Espagnols.
Le 15 novembre 1938. A 4h30 du matin, s’achevait la bataille de l’Ebre, la plus longue de toute la guerre civile espagnole avec 125 jours de combat. Par la même occasion, les Républicains perdirent la guerre, les Franquistes la gagnèrent, et le plus grand exode de l’histoire du pays commença.
Entre janvier et février 1939, un demi-million de personnes (pour la moitié originaires de Catalogne) franchissent la frontière entre la France et la Catalogne, au col du Perthus pour échapper à la répression franquiste.
Pour accueillir ces réfugiés, la Croix-Rouge internationale et la Société des Nations proposèrent la création d’une zone démilitarisée entre Tordera (au sud) et les Pyrénées (au nord). La France et l’Angleterre sont pour, mais Franco ordonna à ses généraux de l’Armée du Nord d’accélérer l’occupation de la Catalogne et de fermer les cols pyrénéens. À partir de là, 100.000 personnes sont arrivées à Argelès-sur-Mer à 30 kilomètres de Perpignan en France.
La ville n’était pas prête à accueillir le flot de personnes qui se sont rassemblés sur la plage. Elles passaient leurs journées dehors, se lavaient à l’eau de mer et s’abritaient en creusant des trous dans le sable. Plus de 300 personnes sont mortes de froid. La France a alors pris la décision d’utiliser le camp de Rivesaltes.
Sur plus de 600 hectares, il était initialement destiné à accueillir les troupes françaises d’outre-mer. Principalement des militaires sénégalais et marocains. L’arrivée massive des Espagnols provoque un changement de plan : en décembre 1939, les travaux de construction du camp sont accélérés afin que les Espagnols puissent y être temporairement hébergés, en attendant leur transfert vers les régions de l’ouest de la France. Le camp comptait alors 600 casernes pour plus de 20 000 réfugiés.
Terribles conditions d’existence
Les conditions de vie à Rivesaltes étaient épouvantables. La maladie régnait en maître en raison de la famine (la seule nourriture était composée de tranches de pain), du vent glacé de la Tramontane perpignanaise, des marécages voisins. Avec la présence de rats, de poux, du mauvais traitement des gardiens, le taux de mortalité était surélevé (65% de décès) dans ces camps construits avec des matériaux de mauvaise qualité.
L’aménagement du camp était déplorable. Une mauvaise planification hydrologique a tué des centaines de personnes. En 1941, il y eut une épidémie de typhus car les toilettes furent placées juste à côté des fontaines à eau, provoquant l’infection du camp.
Les gardiens étaient des militaires marocains et sénégalais ; ceux qui auraient dû loger dans les camps. Ils étaient considérés comme des sous-soldats du point de vue des troupes françaises de souche, mais ont en revanche pris le pouvoir sur les Espagnols. Et les gardiens se défoulèrent en tabassant les internés ou en les forçant à se battre entre eux. Il était cependant possible de quitter le camp volontairement pour rentrer dans l’Espagne franquiste. Mais loin de tout, sans argent ni vivres, peu sont ceux qui ont pu réaliser le trajet retour.
A la fin de la guerre, les Espagnols ont été libérés et le camp devient alors une prison pour les soldats fascistes allemands et italiens. Dans les années 1960, les Harkis devinrent les nouveaux hôtes forcés de Rivesaltes. Enfin, en 1986 et 2007, le lieu est devenu un centre de rétention administrative pour les immigrés illégaux en attente d’expulsion.
En 2015, le Premier ministre Manuel Valls fermait définitivement le camp, le qualifiant de « honte nationale française ».Un mémorial qui abrite un musée a été érigé sur les lieux.