Trois fois moins d’hectares brûlés qu’en 2022 malgré des températures extrêmes. La Catalogne a évité le pire cet été, même si les experts ne veulent pas encore crier victoire. Reportage dans les coulisses de la lutte contre les feux de forêt.
L’été a été plus calme que prévu pour les garde-forestiers catalans. Au bout d’une petite route de campagne, à une trentaine de kilomètres de Barcelone, le centre de commandement gère les alertes reçues pour l’ensemble de la région. Et depuis la dernière canicule, fin août, la pression est redescendue au rythme des températures. Mais la vigilance reste de mise. “Les zones forestières couvrent 65% du territoire de la Catalogne”, rappelle Quico Rivera, comme pour illustrer l’ampleur de la tâche. Le chef de la section de la lutte contre les feux de forêts n’est toutefois pas mécontent du résultat de la saison.
Le pire incendie de l’année, début août à Portbou, a brûlé 573 hectares, bien loin des 8000 hectares détruits à Tenerife ou des 90.000 hectares partis en fumée dans la région d’Evrios en Grèce. Entre janvier et août, un total de 1371 hectares ont été détruits par les flammes en Catalogne, soit trois fois moins que sur la même époque l’année dernière. La recette du succès catalan ? « La prévention », répond sans hésiter Quico Rivera.
Depuis les grands feux de 1994, la région s’est placée à l’avant-garde de la lutte anti-incendies, en développant un strict protocole : le plan Alfa. Ce dispositif établit chaque jour des niveaux de risque par canton, sur une échelle de 0 à 3. Les niveaux de risques entrainent donc quotidiennement des restrictions ou à l’inverse la levée des restrictions.
Au niveau 2 par exemple, les barbecues et les feux d’artifice sont interdits, tandis qu’au niveau 3, le camping sauvage et l’utilisation de certaines machines agricoles sont prohibés. Le plan Alfa a été renforcé ces dernières années avec notamment la fermeture des parcs naturels au public en alerte 3.
Les incendies en Catalogne, « l’affaire de tous »
L’été dernier, le gouvernement espagnol s’est inspiré du plan catalan pour son décret d’août 2022, étendant ainsi le dispositif d’évaluation et restrictions quotidiennes à l’ensemble du pays. Malgré le dévastateur incendie de Tenerife, l’Espagne a elle aussi divisé ses grands incendies par trois cette année. « La conscientisation a beaucoup aidé », estime Xavi Castellarnau, sous-inspecteur des pompiers de Catalogne. Le travail de responsabilisation du citoyen fut une tâche de longue haleine, mais les professionnels observent désormais leurs effets. Une conscientisation conjuguée à une implication plus intense des médias, qui diffusent depuis l’année dernière la carte quotidienne de risques incendies et donnent régulièrement la parole aux soldats du feu ou garde-forestiers. “Nous avons remarqué cette année que tous les jours à haut risque, il y avait beaucoup moins de départs de feu, preuve que les gens respectaient les restrictions et les conseils”, poursuit le pompier, dans le métier depuis plus de 20 ans.
L’incendie de Portbou, en août 2023
Un constat partagé par Quico Rivera : « c’est l’affaire de tous, sans l’aide des habitants, notre travail est très limité ». De nombreux efforts sont d’ailleurs déployés dans les écoles pour éduquer dès le plus jeune âge aux risques incendies. “Il n’y a rien de plus efficace qu’un enfant qui, à l’arrière de la voiture, va dire à son père de ne pas jeter sa cigarette au bord de la route ! »
Mais pas question pour ceux qui affrontent les caprices du feu de crier victoire. « Nous avons aussi bénéficié de pluies au printemps, qui ont permis d’aborder l’été de manière moins extrême que l’an dernier, reconnait Xavi Castellarnau, et avec le changement climatique et des feux de plus en plus intenses, nous pouvons très bien faire face à un grand incendie en octobre ou même novembre ». Pompiers, garde-forestiers et collectivités locales restent donc sur le pied de guerre, espérant que les habitants, eux non plus, ne baisseront pas la garde.