En Espagne, le salaire moyen des travailleurs arrive loin derrière ceux de la France et d’autres pays d’Europe. Un phénomène qui dure depuis plusieurs années, conséquence d’un manque d’innovation. Pourtant, la péninsule ibérique possède tous les moyens de montée en gamme. Le point des économistes.
30 %. C’est en moyenne la différence de salaire qui sépare les Français des Espagnols. Et 20,9 %, c’est celle qui sépare les hispaniques des Européens. Une inégalité bien marquée malgré la hausse du SMIC en Espagne et celle du salaire moyen, qui atteint un record avec 1 822 € brut (contre 2 574 € en France). Alors certes, il est trois fois supérieur à celui des Bulgares, qui possèdent les plus bas revenus d’Europe, mais par rapport aux autres travailleurs européens, les Espagnols restent bien moins payés : environ 480 € de moins par mois, explique une étude d’Adecco Group Institute basée sur les statistiques de l’INE et d’Eurostat. Mais pourquoi autant d’écart ?
« Le salaire minimum d’un pays dépend de son produit intérieur brut (PIB) », explique le directeur d’Adecco, société d’intérim, dans un article du journal El Mundo. Et c’est en ce sens que l’Espagne perd. Il faut dire qu’elle souffre beaucoup de ses canicules à répétition. Le Centre commun de recherche de la Commission européenne affirme même que “le réchauffement climatique, avec les vagues de chaleur et risques qu’il apporte, va affecter l’économie espagnole” sur le long terme. D’ici 2040, le PIB pourrait même chuter de 2 %, et 3 % en 2060. Mais là où la péninsule ibérique pèche, c’est essentiellement sur sa productivité et compétitivité. Depuis plusieurs années, elle stagne, rappelle le directeur d’Adecoo.
Une économie low cost en Espagne
Un phénomène qui s’explique surtout par le manque d’investissement dans la recherche et le développement. « L’Espagne n’a pas la force des autres pays dans ce domaine. Elle a beaucoup moins de succès en matière d’innovation », déclare Oriol Amat, économiste et professeur à l’université Pompeu Fabra de Barcelone. Et puisque les entreprises espagnoles innovent moins, leurs produits se montrent moins avantageux, produisent peu de bénéfices, et par conséquent financent moins les employés. Le schéma d’une économie low cost, constate même l’expert. « Moindres coûts, moindres prix, moindres salaires ».
Une doctrine que se permet la péninsule ibérique en raison du niveau de protection des travailleurs en Espagne, « relativement haut mais bien moins qu’en France ou en Allemagne », et du coût de la vie, moins élevé qu’outre-frontière. Environ 30 % de moins que dans l’Hexagone. Alors certes, cela ne joue pas en la faveur des salariés, mais sur le long terme, elle le pourrait, affirme l’économiste catalan Josep Miró. « Grâce aux coûts de revient et salariaux plus bas qu’en France, une entreprise espagnole peut être plus compétitive ».
Miser sur l’innovation pour faire grimper le salaire en Espagne
En tout cas, elle a toutes les cartes en main, estime l’expert. D’autant qu’elle n’a pas de retard sur d’autres secteurs comme la santé et la formation, secteurs dans lesquels l’Espagne investit autant si ce n’est plus que sa voisine, estime Josep Miró. Optimiste, lui pense que l’écart se resserrera entre les deux pays. Un avis que partage son confrère.
A condition de gagner en vitesse dans la recherche et développement, pour se frayer une place parmi les pays européens en avance. Si les travailleurs espagnols montent en compétences, ils pourront ainsi espérer voir le montant inscrit sur la fiche de paie augmenter. Et ainsi passer de la tranche de salaire « moyen » en Europe, à la gamme supérieure. La première place du podium revenant au Luxembourg, avec 3 713 € brut, soit quasiment le double de l’Espagne. A noter tout de même qu’il s’agit du montant brut, et que chaque pays taxe différemment ses salariés. En France, l’employé doit retirer 21 % de ses revenus pour obtenir son salaire net, contre 13 % en Espagne.