Quitter Barcelone pour leur carrière, ces Français déçus du marché du travail

Barcelone

Pour mener la barque de son avenir professionnel, il faut parfois sortir les rames à Barcelone. Se montrer patient, ou devoir sans cesse changer d’entreprise pour espérer évoluer. Mais lorsque le dernier point stagne, à quoi bon rester ? Illustration d’un départ amer pour les carriéristes français et frustrés.

Evolutions professionnelle ou qualité de vie personnelle ? Rester ou partir ? Changer d’entreprise ou quitter le pays ? « Je suis en plein dans la réflexion », avoue Léa, 25 ans, expatriée française à Barcelone. Après avoir travaillé pendant deux ans dans la capitale catalane, en tant que commerciale et accompagnateur clients, la Bretonne s’apprête à s’envoler en voyage quelques mois en Asie. Mais à l’heure de prendre son billet retour, elle ne sait pas quelle destination choisir. Paris ou Barcelone ? « C’est frustrant, parce que j’adore ma vie ici. Mais il y a le côté professionnel qui bloque. Soit, je m’épanouis dans ma vie perso, mais je fais des concessions sur ma vie pro. Soit, je choisis ma carrière mais avec un cadre de vie moins qualitatif ». 

Ainsi s’illustre le questionnement amer de bon nombre de Français venus construire leur vie dans la cité comtale. Pourtant, le marché regorge d’offres d’emploi. Barcelone possède un vivier énorme de start-ups qui recrutent en masse. « Mais c’est un peu toujours le même type de poste qui est proposé : soit commercial soit accompagnateur de clients, ce que j’ai déjà fait », explique Léa, qui s’est essayée aux deux jobs, pour renforcer son bagage professionnel en sortie d’études. Mais dans l’un comme dans l’autre, Léa s’est lassée. Trop redondant, pas de développement, pas de montée en grade.

Peu de montées en compétences et revenus

Car à Barcelone, difficile d’entendre dans les start-ups la fameuse question du recruteur « où vous voyez-vous dans 5 ans ? » Rare même de l’évoquer plus tard, tant le turnover est grand. « Ils ne proposent pas d’évolutions intéressantes en terme de compétences, et même de salaire », renchérit Léa. Pourtant les objectifs à atteindre sont bel et bien présents, confirme Nicolas, 34 ans, retourné en Belgique après être passé dans une société spécialisée dans la vente de publicités Google à Barcelone. « Chaque trimestre, on nous demandait de les dépasser. La pression était chaque fois plus importante, mais le salaire n’augmentait pas ». Par manque d’étape supérieure dans sa boîte, en métier comme salaire, lui aussi a préféré partir.

Car à trop vouloir faire cracher du chiffre aux commerciaux pour tenir les enjeux financiers des start-ups, les salariés s’essoufflent, reconnaît Myryam Benchekroun, consultante en management auprès des entreprises. « Sans plan de carrière ni politique de fidélisation, ils ont l’impression de stagner ». Alors qu’ils pourraient avoir une équipe sous leurs commandes, devenir directeur commercial ou changer de domaine en interne. Mais faute de ces perspectives, les travailleurs français cherchent ailleurs. Fruit aussi d’une génération Z très volatile, mais surtout en quête de sens.

espagnols« Le revenu n’arrive qu’en troisième ou quatrième position des intérêts chez un salarié. Même pour un commercial. Certes, le salaire fait plaisir mais il ne suffit pas », rappelle l’experte en management. Or trop souvent encore, pour profiter des avantages qu’offre l’Espagne pour l’employeur, tant niveau rémunération que droit du travail, les boîtes préfèrent recruter à moindre coût et tirer profit au maximum des jeunes recrues, quitte à prendre le risque de perdre des talents. « Si les employés ne voient pas de carrière se dessiner et si l’évolution est trop lente, alors que bon nombre ont fait de longues études, en général, ils partent ». Certains changeront simplement de produit en se tournant vers une autre entreprise. D’autres tenteront de monter la leur. Et puis ceux qui ne trouvent pas de réelle progression de poste retraversent la frontière.

Du retard par rapport à la France ?

C’est le cas de Charlène, 33 ans, qui a pris ses valises en 2018, direction Paris. A contrecœur. « J’aurais préféré rester à Barcelone. Mon travail me plaisait beaucoup mais je voulais plus. » De nature ambitieuse, la jeune franco-espagnole a ainsi troqué son amour de la culture espagnole pour un emploi plus valorisant. « Tout a été multiplié par trois », annonce la rédactrice en chef de magazines pour l’hôtellerie de luxe. Les clients, le salaire, les équipes. En sautant le pas de rentrer au bercail, Charlène a rapidement gravi les échelons. Passant de rédactrice free-lance à responsable de trois journalistes. Chose qu’elle n’a jamais pu atteindre en trois ans d’ancienneté à Barcelone.

« Il y a du retard ici. En France, les moyens ont été mis en œuvre pour accompagner les ressources humaines. Et je ne parle pas d’une table de ping-pong ! », s’exclame Myryam Benchekroun. Et ça se voit. Avec les réseaux sociaux, les jeunes actifs se comparent. Les publications sur LinkedIn n’hésitent pas à vanter les pratiques françaises, les mérites professionnels depuis l’Hexagone. « Forcément, ça donne envie. Au point de se demander si on n’a pas trop misé sur le soleil de Barcelone au détriment de leur carrière », relève la coach.

Pour autant, l’espoir n’est pas perdu. Selon Myryam Benchekroun, il est possible de trouver son bonheur professionnel dans la cité comtale. A condition de se démarquer, et ne pas hésiter à poser les bonnes questions. La fameuse : « que ferai-je dans 5 ans ? » Car malgré tout, il existe des exceptions à la règle. Des entreprises qui ont adopté la démarche, et présentent des opportunités. « Pour eux, ça fonctionne. Ils ont compris qu’il fallait investir dans l’humain. » C’est lui qui finit toujours par rattraper la performance, et durer dans le temps.

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