Suite aux élections législatives de dimanche 23 juillet, la coalition de gauche soutenant le Premier ministre sortant Pedro Sánchez détient 172 sièges. Le bloc conservateur possède 171 députés. De fait, ni l’un ni l’autre n’atteint la majorité absolue de 176 sièges pour gouverner. Le pays est bloqué et le monde économique s’inquiète.
« Le résultat des élections, qui rend difficile la formation d’un gouvernement et génère un scénario d’incertitude politique, augmente le risque d’un ralentissement de l’économie espagnole », avancel’Institut d’études économiques (IEE). Cette « incertitude » devient un facteur de pression immédiat sur la prime de risque. Autrement dit, le pays va devoir payer plus cher pour ouvrir des lignes de crédit, et augmenter sa dette publique, si les marchés perçoivent que l’Espagne n’est pas une destination sûre. Et se fait sévèrement concurrencer par le Portugal au sud et l’Allemagne au nord.
« Nous appelons à la responsabilité afin que soient conclus ces accords qui garantissent le niveau de stabilité le plus élevé possible et aussi la modération nécessaire pour garantir le bon progrès de l’économie et le maintien du bien-être et de la paix sociale », supplie presque de son côté l’organisation CEOE, l’équivalent ibérique du Medef. Demandant également au passage que « les attaques que subissent les entreprises de la part de la sphère institutionnelle cessent définitivement ». Il semblerait que les cinq années de pouvoir de la gauche radicale au sein de la coalition gouvernementale aient laissé des traces au sein du monde économique.
La crainte de perdre les fonds européens
Le risque qu’un blocus politique nuise à la réception des fonds européens Next Generation est une réelle menace. L’Espagne, dans le cadre de ce plan de relance, a droit à 70 milliards d’euros d’ici à 2026. Le pays a déjà perçu 70% des sommes, mais il reste encore 21 milliards à investir, notamment dans l’agriculture et l’immobilier. Si les ministères espagnols ne planifient pas les sommes dans des budgets d’investissements, les versements pourraient être sérieusement perturbés.
Le secteur touristique tendu
Sur le plan touristique, le blocage politique n’impactera pas la saison estivale qui se déroule parfaitement. Cependant, le vice-président d’Exceltur, le syndicat du tourisme, estime que le secteur a des défis structurels à résoudre et qu’il faut profiter de la présidence espagnole de l’Union européenne pour définir une politique à l’échelle du continent. Or, le Premier ministre Pedro Sánchez est par trop fragilisé pour conduire cette mission.
À l’international, l’inquiétude est présente
Lundi, après les élections, la Bank of America, l’une des grandes entités de Wall Street estime dans une note envoyée à ses clients « qu’une fois de plus Spain is different« , parodiant ironiquement le slogan de l’Espagne des années 60, alors que le pays cherchait à mettre en avant son potentiel touristique.
Même son de cloche à la City de Londres où les grands investisseurs internationaux plaident pour une grande coalition « à l’allemande » entre la droite du Partido Popular et les socialistes du PSOE. Une grande union, totalement improbable au vu de la culture politique espagnole, qui garantirait la gouvernabilité et éviterait une paralysie des réformes économiques, selon des sources financières de Wall Street.