Gabriel Colomé : ce que ne disent pas les sondages

TRIBUNE LIBRE

A 48 heures du scrutin le plus décisif de ces dernières années en Espagne, Equinox laisse tribune libre à Gabriel Colomé, professeur de sciences politiques à l’Université Autonome de Barcelone et candidat aux sénatoriales pour le parti socialiste.

Enfin ! Cette semaine, il n’y a plus de sondages qui sont publiés !  La loi électorale l’interdit. De l’été 2021 à cette semaine, 440 sondages ont été publiés, dont 65% dans des médias conservateurs. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Alberto Núñez Feijóo au sein du Partido Popular, les estimations du résultat des élections dans l’espace médiatique conservateur ont été favorables au PP, créant un climat d’opinion ou une atmosphère de victoire inévitable et inexorable pour le parti conservateur. C’est ce qu’on appelle le consensus démographique.

Personne n’ose publier des sondages à contre-courant créés par l’avalanche de sondages pro-PP. Le Centre de Recherche Sociologique (CIS dans son signe espagnol) et son président Don Quichotte Tezanos se sont battus contre les moulins démoscopiques. Peu de médias dans l’espace progressiste ont osé publier des sondages qui ne reflètent pas le mainstream d’opinion. Seul le CIS donne un avantage du PSOE face au PP.

Par exemple, l’enquête d’El País publiée le lundi 17 juillet a donné au PP un avantage de 4 points et a titré sur ce résultat. Mais en analysant les données brutes qui sont également publiées dans le quotidien et en appliquant une méthode différente, le résultat donne à égalité les deux partis. Égalité ! Et la perception de l’électorat n’est pas la même si on a le sentiment qu’un retournement est impossible, la fameuse remontada du Barça.

Nous avons des exemples historiques qui ont brisé le consensus démographique. Les fameuses élections de 2004. Les sondages du dimanche précédant le jour du scrutin publiés dans les différents médias donnaient soit une majorité absolue, soit une majorité relative pour le PP. Aucun n’envisageait la victoire du PSOE. Le seul à y avoir fait allusion dans son article d’analyse dans La Vanguardia était Julián Santamaría, président de l’institut DOXA, qui a publié le sondage électoral dans le journal barcelonais. Mais les données, avant qu’elles ne soient manipulées par les partis, donnaient le ton à la surprise socialiste survenue le 11 mars, jour de l’attentat.

Certes, le PSOE aurait remporté les élections sans attentat, mais la gestion désastreuse de la crise par le gouvernement Aznar a creusé et amplifié la défaite des sympathisants de droite : en trois jours de mobilisation, 3,5 millions d’électeurs ont changé leur vote.

Les données, à ce jour, indiquent que nous avons devant nous environ 3 millions d’indécis. Le résultat final dépend d’eux. L’autre indicateur à prendre en compte est la participation. Le nombre magique qui fait varier le résultat est de 70%, en-dessous vers la victoire du PP, au-dessus vers la victoire du PSOE.

Enfin, le vote par correspondance peut être décisif. 2,1 millions de suffrages exprimés et 450.000 encore en attente de collecte. Qui est le parti préféré ?

Comme l’a dit le sage : le temps est ce juge incorruptible qui donne et enlève des raisons. Le résultat final nous dira si les scénarios sont exacts ou ne sont que de simples spéculations académiques.

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