Huit des terroristes responsables des attentats de Barcelone et Cambrils en août 2017 étaient originaires de cette petite ville catalane. Six ans plus tard, Ripoll devient la première commune de Catalogne à être dirigée par une maire d’extrême droite.
Elle se déclare islamophobe et promet de lutter contre les « privilèges » des immigrés dans sa commune, qui auraient droit à davantage d’aides sociales que les Catalans. Sa première mesure à la tête de la mairie : recenser les immigrés clandestins et « les dénoncer aux autorités compétentes qu’elles puissent procéder à leur expulsion ». A 39 ans, Silvia Orriols incarne avec son parti Aliança Catalana l’indépendantisme identitaire le plus radical. Elle entend lutter contre une immigration trop forte, qu’elle appelle « invasion » et qui menace selon elle la culture catalane. A Ripoll, 13% des habitants sont étrangers, soit un peu moins que la moyenne nationale à 16%.
Mais sous ses airs de village catalan, avec ses commerces sous les arcades, ses grandes places ensoleillées et ses façades colorées, il faut dire que Ripoll n’est pas une ville comme les autres. C’est ici qu’a germé la radicalisation des djihadistes responsables des attentats de Cambrils et Barcelone. Un traumatisme que beaucoup ont refusé de reconnaitre, rassurés par les manifestations et autres appels au calme qui se sont succédés alors. Pour Silvia Orriols, « le vivre-ensemble était inexistant avant les attentats, et il l’est toujours ». Mais aujourd’hui encore, les habitants balaient le sujet d’un revers de main. « Non, ça n’a rien à voir avec les attentats », assure Roger, jeune retraité. « C’est vrai que les familles des djihadistes vivent encore ici et que certains trouvent que ce n’est pas normal, mais je ne pense pas que ça soit important non plus ».
Un vivre-ensemble compliqué
Parmi les habitants, personne ne veut faire le lien entre le drame de 2017 et la situation politique. Pourtant, deux ans après, Silvia Orriols entrait déjà au conseil municipal, sous les couleurs du Front National de Catalogne. Un mandat plus tard, elle en devient la première édile. « Je suis d’accord avec tout ce qu’elle dit, assure Ferran, la soixantaine, les maghrébins ont tous les droits, toutes les aides sociales, et nous rien ».
Un discours repris par plusieurs habitants croisés sur place, et notamment Gerard, éboueur. « Nous, on doit trimer, et eux ils ont de l’argent à ne rien faire », s’énerve-t-il en s’essuyant le front, avant d’admettre que la plupart de ses collègues sont d’origine maghrébine.
Pour la communauté musulmane, le choc a été de taille. A peine élue, la nouvelle maire a rappelé que l’une de ses priorités était de fermer la mosquée. Précisément celle où prêchait l’imam à la tête de la cellule djihadiste en 2017, mais qui a toujours condamné les attentats.
Devant l’édifice religieux, situé à l’écart du centre-ville, plusieurs hommes s’attardent après la prière. Tous sont partagés entre tristesse et colère. « Ils te disent qu’ils ne sont pas racistes, et après ils votent pour ça, s’agace Mohamed, 17 ans, c’est sûr que maintenant on n’a plus confiance en eux et on n’a plus envie d’avoir affaire avec eux ». Eux, ce sont les non-musulmans. Et si la méfiance entre les deux communautés planait déjà à Ripoll avant les élections, le scrutin semble sceller une fracture qui ne cicatrise pas.