Frédéric Chopin a fait un voyage à Mallorca. Ce n’était pas une bonne idée.
Hiver 1838. Chopin a voulu s’offrir un voyage avec son amie George Sand. « Il n’en reviendra jamais », conclut l’ami le Marquis de Custine en raison de la santé plus que fragile du pianiste. George part la première à la mi-octobre. Globalement sans le sou, Chopin profite de ce temps pour donner des cours de piano et emprunte de l’argent à un ami banquier. Le fournisseur de piano de Chopin, Camille Pleyel, accepte d’avancer les droits d’auteur des Préludes et s’engage à lui faire livrer un instrument à Mallorca.
Passage par Barcelone
Toutes affaires réglées, l’artiste prend la route. Avec une première halte à Perpignan après quatre jours de trajet depuis Paris. George Sand l’attend dans la capitale roussillonnaise pour monter sur un bateau à destination de Barcelone. Une visite touristique de cinq jours à base d’opéras et de réceptions en tous genres. Ils embarquent sur le paquebot « El Mallorquin » et arrivent sur l’île le lendemain.
A Palma, les choses commencent mal : impossible de trouver un lit, toutes les auberges étant complètes. Ils trouveront néanmoins une chartreuse dans la montagne grâce au consul de France. Le temps d’aménager la bâtisse, ils loueront une villa près de Palma du nom de Som Vent. Chopin pose le cadre et parlera des palmiers, cèdres, aloès, orangers, citronniers, figuiers, grenadiers, du ciel et de la mer bleue.
L’orage
L’artiste se fait prêter un piano, compose de la musique et écrit même un livre. Tout va bien dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce qu’un orage bouleverse l’existence de Chopin. Un coup de froid condamnera le pianiste à une toux glaireuse. Les médecins arrivent. « Le premier dit que j’allais crever, le deuxième que j’étais en train de crever et les troisièmes que j’étais déjà crevé« , se plaindra-t-il à un ami. Une rumeur de phtisie, une sorte de tuberculose, se répand parmi les villageois.
Le propriétaire de la villa expulse alors le couple, brûle les lits et fera payer à ses anciens locataires les frais de désinfection. Finalement Chopin et Sand, dans une carriole tirée par des mules, rejoignent la chartreuse de Valldemossa. Le couple se retrouve alors isolé avec le plus grand mal pour s’approvisionner en nourriture. Non mariés, fumant, toussant, le couple est plutôt mal vu des villageois. On leur vend tout et n’importe quoi à prix d’or, on les vole, explique Olivier Bellamy dans son dictionnaire amoureux de Chopin.
Le piano venant de France est bloqué à la douane, George Sand tombe malade avec la nourriture trop grasse, ils attrapent des poux. Le temps à Mallorca n’est pas clément, les changements météorologiques, les pluies et l’humidité aggravent l’état de Chopin qui finit par avoir des hallucinations et des visions de fantômes dans sa chambre.
Au bout de 3 mois, le couple jette l’éponge et rentre au bercail au milieu de porcs dans un bateau rempli d’excréments. Une fois arrivée à Marseille, après une nouvelle halte d’une semaine à Barcelone, George Sand écrira : « encore un mois de plus et nous mourrions en Espagne, ce pays diabolique ».