Et s’il existait une double protection à Barcelone ? Dans la capitale catalane, les habitants et touristes peuvent compter sur la solidarité collective. En cas d’agression ou vol, les Catalans n’hésitent pas à retrousser leurs manches et agir.
Photo : Clémentine Laurent/Equinox
Valeur espagnole, ou éducation portée davantage sur le vivre-ensemble que l’individualité ? Dans la capitale catalane, s’il y a bien une tendance différente du tempérament français, c’est la faculté à réagir face aux faits divers. Récemment encore, alors qu’une femme se faisait voler son sac à main dans une rue du Born, l’ensemble du voisinage est sorti à la fenêtre pour jeter des objets sur le pickpocket. Quelques jours plus tôt, au pied de la Casa Batlló, un groupe de passants avaient carrément mis au sol un voleur de touristes, pour permettre aux Mossos d’Esquadra de l’interpeller. Et en juin, alors qu’une personne LGBTI se faisait attaquer dans le métro, un homme est intervenu pour calmer l’agresseur.
Quand il s’agit de défendre les autres, les Barcelonais n’ont pas froid aux yeux. C’est d’ailleurs grâce à trois d’entre eux que la Nantaise Marine a pu récupérer son téléphone. C’était en 2021, dans une rue près d’Arc de Triomf. « On m’a tiré mon téléphone alors j’ai crié. Et au bout de la rue, trois Barcelonais ont intercepté le voleur et l’ont mis à terre », raconte la jeune femme. Non sans mal, puisque le délinquant s’est montré particulièrement violent. Mais pas suffisamment pour stopper la vaillance des Catalans.
« En général, les gens nous aident. Soit ils filment, soit ils retiennent le voleur jusqu’à notre arrivée », assure Toni Castejon, porte-parole du syndicat des Mossos d’Esquadra. Selon le policier, même si l’implication citoyenne a toujours été présente dans la cité comtale, la collaboration avec les forces de l’ordre va en augmentant depuis cinq ans. La raison ? « Les Barcelonais sont fatigués des vols. » Alors, ils n’hésitent pas à prendre leur courage à deux mains. Malgré le potentiel danger.
Des anges de la sécurité pour les touristes et résidents
« J’ai eu des doigts cassés, été heurtée aux genoux ou au dos. Mais cela ne m’arrêtera pas. L’amour pour Barcelone surpasse tout », raconte Eliana, 51 ans. La Colombienne, installée dans la cité comtale depuis 23 ans, fait partie de ceux qu’on appelle « les anges » de la capitale catalane. Trois à quatre fois par semaine, elle et 37 autres volontaires patrouillent dans la ville, sur leur temps libre. Des sorties dans les cafés, magasins et transports publics, d’une durée de trois à six heures, pour protéger les habitants et touristes des voleurs.
Ils donnent alors des conseils tels que mettre ses mains sur son sac, et ne pas laisser ses affaires de valeur dans son sac à dos. « Nous aimons notre ville et nous sommes outrés de voir à quel point les victimes des pickpockets ne sont pas assez protégées », déclare Eliana, fondatrice de Patrulla BCN.
Car selon l’activiste, le système n’incite pas assez les victimes à porter plainte. « Beaucoup ne veulent pas passer quatre heures dans un commissariat, alors ils nous le signalent ». « Nous », ce sont les volontaires qui agissent par petites équipes. « Une personne filme, une autre surveille et une autre prévient la victime et les passants », explique la porte-parole du groupe, parfois décriée pour sa tentative de substitution à la police locale.
Sur les vidéos publiées sur Instagram et Youtube, les visages des délinquants apparaissent en gros, sans floutage, et s’accompagnent de réprimandes. « Eh ! Ne vole pas le téléphone ! Rends-lui son portable, rends-lui », entend-on sur celle du mois de mars dernier, illustrant un voleur à l’arrêt de métro Urquinaona de la ligne rouge. Un de plus. Mais aussi un de moins à agir. La honte serait-elle la meilleure des armes ?