Le Premier ministre socialiste a annoncé lundi la dissolution du Parlement espagnol provoquant un scrutin anticipé le 23 juillet prochain. C’est la cinquième élection législative en 10 ans en Espagne.
La durée moyenne d’une législature est de 2 ans, alors que la loi électorale prévoit que le mandat des députés dure 4 ans. Si les Espagnols sont appelés si souvent aux urnes, c’est que le système est instable et que depuis 2011 aucune législature n’est arrivée à son terme.
Après les élections de 2015, le parlement n’a pas tenu plus de 6 mois. Aucune majorité n’a pu se former et les Espagnols ont dû voter une nouvelle fois en juin 2016. Le conservateur Mariano Rajoy cette fois-ci a obtenu une majorité pour se faire investir premier ministre. Un mandat qui ne sera pas arrivé à son terme car l’homme fort de la droite a été renversé par une motion de censure au profit du socialiste Pedro Sanchez. Pour asseoir sa légitimité, celui-ci a dissous le parlement en avril 2019. Incapable de se mettre d’accord avec les centristes de Ciudadanos, Pedro Sanchez n’a pas eu de majorité et de nouvelles élections ont eu lieu en novembre 2019. Un mandat qui devait s’achever en décembre prochain, mais qui finalement se termine de manière précipitée avec la nouvelle dissolution annoncée ce lundi suite au fiasco de la gauche lors des municipales et régionales.
Un système proportionnel et régionaliste
Si l’Espagne est instable politiquement, c’est principalement en raison du système électoral à la proportionnelle. Pas moins de 15 partis politiques forment la majorité parlementaire qui a permis l’investiture de Pedro Sanchez. Tous ne sont pas entrés au gouvernement qui est composé de la coalition entre les socialistes et la gauche radicale, représentée principalement par Podemos.
Mais pour faire passer des textes au parlement, l’exécutif doit convaincre des forces politiques tant hétérogènes que les différents partis régionalistes basques ; la gauche radicale locale de Valence ; les indépendantistes catalans ou encore les divers gauche venus d’Aragon. Car en plus de répartir les sièges à la proportionnelle, le système espagnol facilite l’envoi de parlementaires issus de partis implantés uniquement dans une région précise. Un éclatement de la représentation nationale qui crée des tensions récurrentes et une instabilité permanente.
À force de faire le grand écart idéologique pour satisfaire toutes les composantes de sa majorité, le Premier ministre socialiste est politiquement éreinté. Les polémiques se sont enchaînées : réforme du Code pénal pour alléger les peines des indépendantistes catalans après la déclaration de sécession de 2017 ; embrouille magistrale avec le gauche radicale concernant la loi du consentement sexuel qui s’est traduite par des centaines de remises de peines de délinquants sexuels en raison d’une mauvaise écriture du texte législatif par Podemos. Devant l’obstination de la gauche radicale pour ne pas modifier la loi, les socialistes ont dû pactiser la réforme avec la droite. Dans les larmes de la ministre de Podemos, Irene Montero, auteure du texte. Pedro Sanchez est également pointé du doigt par la droite et une partie de la presse pour fricoter politiquement avec Bildu, un parti indépendantiste basque qui recycle d’anciens terroristes du groupe terroriste ETA.
Les élections auront lieu pendant que l’Espagne présidera l’Union européenne de juillet à décembre. La gouvernance pourra commencer avec Pedro Sanchez et s’achever avec un nouveau dirigeant conservateur. En effet, si le Premier ministre a écrit en 2020 un livre qui s’appelle « manuel de résistance », il devra réaliser une performance pour se relancer politiquement le 23 juillet prochain. Car la droite et l’extrême droite sont en embuscade, données grandes favorites dans les sondages. Mais dans l’instabilité, les éléments politiques peuvent glisser rapidement.