En Catalogne, la sécheresse menace les cultures. L’absence d’eau sera-t-elle synonyme de manque de fruits et légumes ? De quoi serons-nous à sec ? Les maraîchers de Barcelone donnent leurs prévisions.
Photo : Antonio Lajusticia
« Nous, les agriculteurs, on regarde toujours le ciel », assure Carlos Zaragoza, cultivateur à Vallbona, dans Barcelone. Et pour l’instant, il ne présage rien de bon. La pluie manque et la sécheresse n’a pas quitté la Catalogne, depuis l’été dernier. À tel point que sur les étals des marchés de la cité comtale, on s’inquiète de savoir si oui ou non, il y aura des fruits et légumes cet été.
« Tout dépend de la météo et de ce qu’elle veut bien nous donner », répondent les maraîchers à l’unisson. À trois mois du début de l’été, vendeurs et fermiers ne sont pas sereins. Là où l’hiver devait renflouer les réserves d’eau, il n’en a rien été. Le bassin du Llobregat, qui alimente toute la zone de Barcelone et ses alentours, n’atteint même plus les 28 % de sa capacité. Les rivières s’assèchent et le gouvernement catalan réduit l’irrigation à 40 %. Or « s’il n’y a pas d’eau, les plantes ne peuvent pas pousser. Elles meurent », avance simplement Carlos. Sans arrosage, pas de racines. Et sans racines, pas de légumes.
Les plus impactés possèdent des feuilles. Aubergines, courgettes, épinards, choux, laitues, concombres, rhubarbes, poivrons, entre autres, sont sur la sellette. Toutes ces variétés prennent plus facilement le soleil et ont besoin d’être arrosées quotidiennement. Seule la tomate peut résister à une grande sécheresse, estime l’agriculteur barcelonais. « Grâce à ses racines plus profondes, le fruit pourra sortir. Les tomates seront plus petites par contre. »
Planter plus tôt pour sauver les tomates et courgettes
Mais sur ce point, tous ne s’avancent pas. D’après Lluis Fisas, maraîcher bio à Molins de Rei, il existe un seuil. « A partir de 29 degrés, les tomates ne fleurissent plus, ne grandissent plus, ne fructifient plus. Elles survivent, tout simplement », ajoute-t-il derrière son stand du marché de la Concepció, dans l’Eixample. Or, ce fruit est l’un des plus consommés en Espagne. Faut-il en venir à imaginer un pan con tomate, sans tomate ?
Lluis Fisas avoue s’être posé la question. Il a hésité à relancer sa production, alors même que ce fruit représente la majorité de ses cultures estivales, de peur qu’il ne crame comme en 2008. « Finalement, j’ai tout planifié différemment. Je plante tout plus tôt. Je ne ferai plus de tomates tardives, les concombres non plus. » Il testera 20 variétés différentes de tomates. Les plus anciennes devraient mieux tenir. Pour le reste, dans ses terres de Molins de Rei, il a déjà semé les courgettes, en les couvrant d’une petite serre. De sorte qu’au mois d’août, « tout soit terminé ». C’est en tout cas la solution qu’il s’est trouvée.
Les réserves d’eau baissent, les prix montent
Ça sauve, mais cela ne fera pas de miracle pour autant. Avec moins d’eau, les fruits seront plus petits. La qualité baissera automatiquement. « On le voit déjà avec les pommes. Elles devraient être beaucoup plus grosses », assure son voisin de marché, Kévin. Alors que le prix, lui, ne cesse d’augmenter. « Ce qu’on pouvait avoir à 3 € le kilo auparavant, passera à 6 € », estime celui qui voit déjà l’absence de clients à cause de cette inflation supplémentaire.
Les cultivateurs n’en sont qu’au stade des prévisions. Mais la tension est déjà palpable. À Vic, au nord de la capitale catalane, « le réservoir d’eau de ma nièce, agricultrice, est à sec », s’alarme Judit. Pour la première année, elle achète depuis trois mois de l’eau, en dehors de l’été « Avant, elle le faisait en août ou septembre, à la rigueur ». A Molins de Rei, Lluis Fisas a investi dans un bassin de 100 000 litres. Et à Vallbona, dans Barcelone, Carlos Zaragoza, lui, conserve précieusement sa technique du « goutte-à-goutte » pour ne pas gaspiller ce nouvel or bleu, que cherche à recycler à tout prix l’Agence catalane de l’eau. Puisque visiblement, elle ne tombera pas du ciel.
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