La croix géante érigée sur la Valle de los Caidos (Madrid) par le dictateur Franco fait l’objet d’une nouvelle séquence de tensions entre la droite et le gouvernement espagnol.
150 mètres de haut pour 200.000 tonnes, la croix érigée à 50 km de Madrid au sein de la basilique de la Valle de los Caidos est le plus grand monument fasciste d’Europe. Le dictateur Franco a fait construire ce complexe de son vivant pour jouir d’un mausolée et garder la mémoire de son régime à travers le temps.
Le gouvernement socialise a réalisé un acte fort en retirant la dépouille du Général de la Valle de los Caidos pour la placer dans un cimetière privé de la famille Franco en 2019.
Un geste fortement critiqué par la droite et les milieux conservateurs qui ont vu une mise en scène électoraliste et ravivant les divisions au sein de la société.
Un décret en lien avec la réforme de la loi sur la mémoire historique va être dicté dans les prochaines semaines par le gouvernement socialiste et entend cette fois-ci s’attaquer à la basilique elle-même en « requalifiant » les lieux. La Valle de los Caidos ne sera plus un site glorifiant le régime franquiste, mais un lieu de mémoire démocratique dont la redéfinition visera à faire connaître, par des plans et mécanismes de recherche et de diffusion, les circonstances de sa construction.
Les historiens,classés à gauche soutiennent dans leurs recherches que la pharaonique basilique a été construite par des ouvriers républicains quasi mis en état d’esclavage. Une thèse que réfute les historiens conservateurs.
La région de Madrid veut préserver les lieux
La présidente de la région Madrid, la très conservatrice Isabel Diaz Ayuso, croit savoir que le gouvernement veut déboulonner la croix. Ce qui, pour le moment en tous cas, ne fait pas partie des plans du gouvernement. La région Madrid va utiliser la loi du Patrimoine culturel pour protéger la croix. La dite loi permet de classer l’architecture religieuse y compris les objets de décoration et les biens mobiliers.
La région de Madrid va donc publier un décret spécifique pour protéger la croix de la Valle de los Caidos. La droite d’Isabel Ayuso ne disposant que d’une majorité relative aura besoin du renfort des conseillers régionaux de Vox, classés à l’extrême-droite.
Le conflit politique autour de la Valle de los Caidos s’écrit aussi dans un autre chapitre : celui de la « fondation de la Santa Cruz ». Une confrérie bénédictine qui veille sur les lieux depuis 1957 grâce à un décret publié par le Général Franco en personne.
Cette communauté religieuse est qualifiée de fasciste par le gouvernement espagnol qui accuse les bénédictins d’organiser des messes à la mémoire de Franco. Les intéressés s’en défendent et assurent prier chaque jour pour les morts de la guerre civile, aussi bien les franquistes que les républicains. La communauté religieuse, qui est privée depuis 2019 de ses 340 000 euros annuels pour maintenir le lieu en bon état, demande de laisser les morts reposer en paix.
L’affaire est épineuse pour le gouvernement car le Vatican reste un partenaire privilégié pour l’Espagne, ancienne puissance catholique, et l’exécutif veut faire les choses en douceur. La vice-président néo-communiste Yolanda Diaz s’est rendue personnellement à Rome il y a quelques semaines pour recevoir la bénédiction du pape François. Donc, hors de question d’expulser une congrégation religieuse pour convertir la basilique en site laïque.
L’exécutif étudie la possibilité de déléguer la gestion du lieu à l’archevêché de Madrid. Le cardinal Carlos Osoro désignerait une figure qui pourrait être celle d’un aumônier ou d’un curé pour offrir le culte au sein de la basilique.
Si la Valle de los Caidos est un lieu de pèlerinage pour les nostalgiques du régime et pour le tourisme historique, le site a perdu son attrait depuis l’exhumation du corps de Franco. Sur 378.875 visiteurs en 2018, il n’en reste plus que 152.481 en 2022. Soit une chute de 60%.