C’est au sein de cette ville d’à peine 30 000 habitants, située à une demi-heure de Barcelone, que se concentre l’une des plus grandes communautés françaises de Catalogne après la cité comtale. Appréciée pour sa qualité de vie, son ouverture d’esprit, ou encore pour son aspect cosmopolite, Sitges séduit les Français, toujours plus nombreux à venir s’y installer définitivement.
Photos : Louise Garcia
« C’est une ville avec une ambiance de village, et il y a tout ce qu’il faut sans qu’on ait besoin d’aller jusque Barcelone » explique Sébastien, installé à Sitges depuis 2012 et responsable de Classe et Chic, boutique de vêtements située au cœur de la ville. Après avoir beaucoup voyagé, c’est finalement dans cette commune catalane, parmi les premières en Espagne à avoir été ouverte au tourisme dans les années 1960, que ce Français originaire de région parisienne décide de poser ses valises il y a 10 ans « Je venais régulièrement en vacances ici, et j’en avais assez de la France, c’était un ras-le-bol général. Alors quand j’ai eu 40 ans, j’ai décidé de m’installer ici » témoigne Sébastien.
Depuis, il a réussi à se créer une clientèle fidèle, principalement de résidents, qu’ils soient catalans ou étrangers installés à Sitges, mais également de touristes. Car si la ville ne compte que 30 000 habitants à l’année, ce chiffre peut tripler au plus fort de la saison estivale.
Et à Sitges, nombreux sont les visiteurs réguliers qui ont une résidence secondaire et s’y rendent depuis plusieurs années. «Il y en a beaucoup que je retrouve d’une année sur l’autre, et qui aiment qu’on les reconnaisse, à l’inverse d’une grande ville comme Barcelone où l’on passe beaucoup plus inaperçu » remarque Sébastien.
Loin de l’agitation d’une grande ville, avec un cadre de vie plus agréable, et une proximité avec ses voisins et ses commerçants qui fait que l’on se sent rapidement chez soi. C’est aussi cette ambiance qu’est venu chercher Christian, retraité installé à Sitges depuis deux ans « Je suis un amoureux de la Catalogne, j’y allais plusieurs fois par an lorsque je travaillais. Avec ma femme, on a fait un peu toute la région, puis lorsqu’on a décidé de quitter la France, on a tout de suite pensé à Sitges » se souvient l’ancien cadre d’une compagnie d’assurance.
Une ville idéalement située, sur une côte encore préservée, avec un accès direct à la plage et de nombreux monuments historiques à l’architecture remarquable, c’est ce qui a plu à ce retraité. « Je savais qu’il y avait aussi une importante communauté française ce qui allait faciliter notre intégration parce qu’en arrivant, à part ‘Hola’ y ‘una cerveza por favor’, c’est tout ce que je savais dire ! » ironise Christian.
« Beaucoup de gens viennent tenter de nouvelles expériences ici »
Après des études à Madrid et une carrière professionnelle débutée en France, c’est également à Sitges que Caroline et Thierry ont décidé de s’installer il y a 25 ans. « Avec des enfants, on ne se projetait pas à Barcelone. On voulait une maison avec un jardin, on cherchait à avoir de l’espace et on savait qu’au sein de la capitale catalane ce n’était pas possible » explique ce couple, originaire de Lille pour l’une et du Mans pour l’autre.
Avec une importante proportion d’Anglais, d’Allemands et de Français, la ville ne compte pas moins de quatre écoles internationales qui rassemblent également les étrangers installés à Sant Pere de Ribes , mais aussi les locaux. « Nos enfants ont fait leur scolarité à l’école française, et il y avait une part importante d’élèves qui n’avaient pas de lien avec la France. Il y a un certain prestige autour de l’éducation à la Française » constate le couple.
Beaucoup d’expatriés européens à Sitges, avec l’une des plus importantes communautés LGBT du pays, mais surtout un important turnover. « Il y a beaucoup de gens qui viennent tenter de nouvelles expériences ici, notamment dans la restauration et la vente en ligne. Une part d’entre eux sont des nomades digitaux ou des gens qui travaillent à leur compte, mais qui ne restent pas forcément » constate Caroline qui travaille dans l’immobilier.
À la tête d’une agence de recrutement, Thierry observe depuis quelques années une augmentation de la demande dans le secteur de la tech « C’est d’autant plus facile qu’il suffit de parler anglais, pas besoin d’apprendre l’espagnol dans la plupart des cas » souligne-t-il. Mais à côté de ces profils, de nombreux jeunes débarquent en Catalogne non seulement sans maîtriser la langue, mais également sans projet « Ils arrivent sans préparation et finissent en centre d’appels alors même qu’une part d’entre eux a des diplômes, mais sont venus ici la fleur au fusil. Et lorsqu’ils veulent retrouver un travail qui correspond à leurs compétences, c’est très difficile ».
Aucune envie de retourner en France
Venir avec un projet précis et savoir où l’on va, la clé d’une expatriation réussie, à l’image de Cathy, gérante de La Bouche Qui Rit, boucherie française en centre-ville. Après avoir vécu sept ans à Dublin, cette bretonne d’origine et son compagnon espagnol font le choix de lancer leur entreprise à Sitges. « On voulait retrouver en Espagne ce qu’on avait vécu en Irlande, et c’était l’endroit idéal pour nous, en plus d’une excellente qualité de vie » raconte la jeune mère de famille.
Une boutique française, avec des employés et un savoir-faire français, mais une clientèle cosmopolite à l’image de la ville « On a environ la moitié de nos clients qui sont des Catalans et des Cspagnols, un quart de Français, et le reste ce sont des anglo-saxons. Et depuis quelques mois, on a beaucoup d’Ukrainiens, avec des revenus assez élevés » observe Cathy.
Installés depuis 5 ans à Sitges, le couple est aussi propriétaire d’une boucherie à Barcelone. Deux commerces qui fonctionnent bien, une intégration sociale réussie et un cadre de vie optimal pour ce couple franco-espagnol.
Alors dans ce contexte idéal décrit par ces expatriés, il y a tout de même certains aspects de la ville qui dérangent. « L’offre de restauration est très orientée vers les touristes, et il manque de loisirs ici » regrette Cathy. Quant à Sébastien, c’est l’absence de cohésion entre les commerces catalans et étrangers qui le gêne. « Il y a une union des commerçants, mais catalane, c’est-à-dire que ce sont uniquement les Catalans qui sont aidés. Il n’y a pas d’échanges, ils se méfient de nous et préfèrent rester entre eux, alors que les clients catalans, eux, viennent« . Pour Caroline et Thierry, « le principal problème, c’est le logement, les prix montent alors que les salaires sont en décrochage depuis 2008« .
Malgré tout, aucun d’entre eux ne se voit revenir en France. À Sitges ou ailleurs en Espagne, tous se voient finir leur carrière ou même vivre leur retraite ici, au bord de l’eau, dans cette ambiance chaleureuse et si particulière qui fait le charme des lieux.