L’enfer d’une étudiante française harcelée en Catalogne

Insultes quotidiennes, moqueries, coup de poing jusqu’à l’intimidation à l’arme blanche, le cas de cette jeune Française de 19 ans est allé au tribunal. Malgré les témoins et les preuves, aucune sanction n’a été prise à l’encontre des présumés auteurs de ces actes.

Photo : La Vanguardia

Eva (prénom modifié) arrive à Vic en septembre 2021 pour étudier la kinésithérapie. Cette ancienne sportive de haut niveau originaire des Pyrénées-Atlantiques choisit de s’expatrier en Catalogne en raison d’un attachement particulier à la région, d’une attirance pour les langues et pour le métier de kiné. L’université de Vic lui a d’ailleurs été recommandée par un ami de la famille. C’est donc confiante et pleine d’entrain que la jeune étudiante effectue son entrée dans les études supérieures, au sein de cette ville catalane située à 80 kilomètres au nord de Barcelone.

Universitat Vic

Photo : Universitat Vic

Mais rapidement, Eva déchante. Après une soirée étudiante au cours de laquelle la jeune fille refuse les avances d’un camarade, la spirale s’active. « Grosse pute », « salope », « sale chienne », il ne passe pas un jour sans que la jeune fille soit confrontée à des insultes, des moqueries et des menaces. « Il y a un petit groupe d’étudiants français qui a commencé à avoir des comportements violents envers elle. Puis, petit à petit, ça s’est amplifié, et elle a commencé à être impactée psychologiquement avec des insomnies, des cauchemars, des pleurs », explique le père d’Eva. Le jeune homme éconduit et son clan font courir des rumeurs sur l’étudiante, la faisant passer pour une prostituée. Malgré le soutien de ses amis, la jeune fille se retrouve isolée, sombrant dans l’angoisse et la dépression.

Du harcèlement à l’agression physique, l’affaire va au tribunal

Progressivement, le cercle de présumés harceleurs s’agrandit. Eva subit une première agression physique, un balayage au cours duquel sa tête heurte le sol, la laissant inanimée pendant plusieurs secondes. Un mois et demi plus tard, elle reçoit un coup de poing de la part d’une des personnes de ce groupe.

Janvier 2022, trois mois après de début des faits, la jeune fille trouve la force d’en parler à sa famille. Ces derniers lui conseillent d’avertir immédiatement l’université. « La fac a très bien réagi au départ. Ils ont détaché une personne du secrétariat général pour l’accompagner et la soutenir », relatent ses parents.

L’université l’incite alors à aller porter plainte, et met en place des mesures pour assurer sa sécurité au sein d’un hébergement temporaire et sécurisé qu’elle lui fournit. Une fois la plainte déposée, trois présumés harceleurs et agresseurs sont identifiés, mais plusieurs irrégularités interpellent la victime et ses parents.

photo mossos

«Lorsqu’Eva est arrivée chez les Mossos, deux représentants de l’Université de Vic étaient présents. Il y avait une traductrice mais qui parlait moins bien espagnol qu’Eva, et beaucoup d’échanges entre les personnes de l’université de Vic et les Mossos se faisaient en catalan alors que notre fille ne parle pas cette langue », expliquent le père et la mère de l’étudiante.

D’autres manquements dans la prise de plainte sont ainsi constatés par l’association NACE (No al Acoso Escolar) avec qui la famille est entrée en contact « Les témoins qu’Eva a fournis n’ont pas été entendus, et les preuves qu’elle a apportées n’ont pas été examinées« , déplore Carmen Cabestany, cofondatrice de l’association.

avocat Vic

Arrive ensuite le passage au tribunal. «Les avocats d’Eva lui proposent un arrangement. Les présumés harceleurs et agresseurs reconnaissent les faits et s’engagent à ne pas récidiver, en échange de quoi notre fille cesse les poursuites. S’ils recommencent, les sanctions pénales tomberont. Elle voulait que tout ça s’arrête et elle avait confiance en ses avocats, alors elle a validé la proposition». Une décision que regrettent ses parents qui n’ont pas été consultés lors de la négociation, alors même que leur fille aurait aimé les avoir à ses côtés. C’était de fait un arrêt définitif de la procédure, et aucune sanction juridique ne sera prononcée.

L’université de Vic mise sous pression ?

De son côté, l’université affirme prendre au sérieux la situation, qualifiant les faits dénoncés de « graves et inacceptables». Mais aucune mesure contraignante n’a été prise à l’encontre des présumés harceleurs et agresseurs par la direction. «L’université s’était engagée à ce qu’ils ne se retrouvent jamais ensemble, ni dans les cours, ni dans les couloirs. Et en fait, elle retrouve la quasi intégralité d’entre eux dans ses cours, et même dans les groupes de pratique de massages thérapeutiques où les étudiants sont en sous-vêtements. C’est donc à nouveau la boule au ventre qu’elle se rend en cours», regrettent les parents d’Eva, encore sous le choc des insultes à caractère sexuel reçues par leur fille.

Pourquoi l’établissement n’a-t-il pas sanctionné les auteurs présumés des faits de harcèlement et agression, alors même qu’il a soutenu la victime durant toute une partie de ses démarches ? « Les faits allégués par l’étudiante se sont produits dans des environnements extérieurs au campus universitaire, aux installations universitaires ou aux activités organisées par l’institution. À cet égard, et conformément au règlement l’institution ne peut engager de procédure disciplinaire » se défend l’université.

UVIC

Photo : Mastermania.com

Une déclaration que la présidente de l’association de lutte contre le harcèlement scolaire estime « mensongère « , et une inaction incompréhensible pour les proches d’Eva, dont les raisons seraient liées à des « pressions exercées par les avocats des mis en cause » selon Carmen Cabestany. Les parents de la victime, eux, continuent de s’activer pour médiatiser l’affaire, dans l’espoir d’obtenir un jour justice et réparation pour leur fille.

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