Restaurant en français, restaurante en espagnol, train et tren, montagne et montaña… Si les deux langues partagent des racines communes et un vocabulaire parfois similaire, elles sont tout de mêmes très distinctes, voire assez éloignées en termes de prononciation. Décryptage avec José Enrique Gil, linguiste et spécialiste de l’histoire des mots.
Photo: Clémentine Laurent/Equinox
Les tics de langage dont on ne parvient à se défaire, même avec beaucoup de volonté. C’est en particulier ces derniers qui nous trahissent lorsqu’on parle une langue étrangère. Au milieu d’une conversation, à la première hésitation, le fameux « euh » ressortira presque à tous les coups. Et en une fraction de secondes notre interlocuteur comprendra que l’on est francophone natif.
Mais c’est également avec certains mots, certains sons propres à la langue française que l’Espagnol nous reconnaît. « En français, il y en a beaucoup plus de voyelles différentes comme le « u », le « eu », ou ceux qu’on entend dans le mot ‘cœur’. Ce sont des sons propres au français, et en espagnol cela n’existe pas, ce n’est pas familier et ça sonne bizarrement« , explique le linguiste. Le francophone est également reconnaissable à sa façon d’articuler, et à sa gestuelle, très différente de son voisin espagnol.
Et pour cause, le français est issu de racines gallo-romaines, alors que l’espagnol provient de l’ibéro-romain. La différence se perçoit donc principalement au niveau de la prononciation des mots, dans la mesure où la langue de Molière présente une palette de sons et de voyelles, notamment nasales, beaucoup plus riches que l’espagnol.
Impossible de perdre son accent français ?
« C’est très difficile de perdre son accent parce que lorsqu’on parle une langue étrangère, c’est comme si on jouait un rôle. On a été éduqués dans une langue et c’est assez difficile d’abandonner ces marqueurs« , explique José Enrique Gil. En somme, même une personne complètement bilingue aura toujours, dans sa manière de parler une langue étrangère, des éléments de reconnaissance de sa langue d’origine. À une exception près, celle des enfants éduqués avec deux langues ou plus.
Photo : Paula Jaume
« Lorsqu’on apprend une seconde langue dès le plus jeune âge, le cerveau enregistre beaucoup plus facilement et donc il est possible pour ces enfants de n’avoir aucun accent. C’est d’ailleurs très courant en Catalogne d’avoir des personnes qui savent parler à la fois le français, l’espagnol et le catalan parce que dès leur enfance ils ont été habitués à manier les trois langues« , souligne le linguiste.
Mais si vous n’avez pas eu la chance de grandir dans un univers bilingue ou multilingue, rien n’est perdu pour autant. Si vous parvenez à prononcer parfaitement le « r » espagnol et la jota, les 2 sons les plus difficiles pour un francophone, vous aurez déjà passé un cap. Pour le reste, rien ne vaut de lire, écouter et parler espagnol au quotidien avec des natifs. Ainsi, avec beaucoup d’entraînement et de pratique, vous aurez toutes les chances de ne plus passer pour un gabatcho.