Pourquoi le 19 juin n’est pas la fête des pères en Espagne

fête des pères france espagne

L’Espagne et la France n’aiment pas faire pareil. Les deux pays ne fêtent pas vraiment la fin d’année de la même façon, ni la fête des mères… ni, bien sûr, la fête des pères. 

Photo : Goroka

Les enfants français ont normalement quelque chose en tête qu’il ne faut pas oublier, ce dimanche 19 juin : souhaiter une bonne fête à leur papa. Mais ce n’est pas le cas partout dans le monde. En Espagne, les pères ne sont pas célébrés le troisième dimanche de juin, mais systématiquement le 19 mars. Et, il fallait s’en douter, la raison est religieuse.

Pourtant, tout semblait facile, sur le papier : au XVème siècle, la France et l’Espagne sont deux pays catholiques. La fête des pères en elle-même n’existe pas encore, mais plutôt ses prémices : la Saint Joseph. L’Église décide de le célébrer le 19 mars, six jours avant la date de l’Annonciation, épisode biblique durant lequel l’archange Gabriel annonce à la Vierge Marie qu’elle portera Jésus Christ. La fête de la Saint Joseph est imposée par le pape Grégoire XV au XVIIème siècle, et on fête donc Joseph, le père putatif de Jésus. 

Avec le temps, la célébration de la Saint Joseph se généralise dans les pays catholiques, notamment durant le XIXème siècle, quand Saint Joseph devient le patron des pères de famille et des travailleurs en 1889. Jusque là, le calendrier est le même pour tout le monde. 

fête des pères france espagnePhoto : Edu Bayer/Ajuntament

Mais voilà : avec la séparation de l’Église et de l’État en France, cette tradition se perd. En Espagne, en revanche, même si elle n’est pas très célébrée jusqu’à la moitié du XXème siècle, la religion garde son importance et la date restera toujours la même. 

Une fête des pères 100 % religieuse, en Espagne

Et c’est grâce à une institutrice que le “día de los padres” (‘jour des pères’) réapparaît et s’installe définitivement. En 1948, dans une petite école de la province de Madrid, l’institutrice Manuela Vicente Ferrero propose de remettre les pères sur le devant de la scène, tout comme on célèbre déjà les mères à l’époque. Elle organise donc une petite fête, avec une messe et un atelier pour que les enfants confectionnent un petit cadeau pour leur papa. La raison de cette fête est purement catholique, au beau milieu de la dictature franquiste : célébrer Saint Joseph, le père adoptif de Jésus Christ, et à travers lui tous les pères. 

fête des pères france espagneFallas de Valence, le 19 mars. Photo : Manuel Molines

La fête est reprise dans la presse et peu à peu, l’événement est institutionnalisé dans tout le pays. Étant donné que les fêtes catholiques étaient fortement mises en valeur durant le franquisme, on garde donc la date originale de la Saint Joseph, le 19 mars. Par ailleurs, ce saint est aussi célébré d’une autre manière, dans la Communauté de Valence, où originellement les charpentiers rendaient hommage à leur saint patron le soir du 19 mars.

Une fête des pères 100 % marketing, en France

En France, en revanche, point d’histoire religieuse : c’est le marketing qui fait revenir la fête des pères sur le devant de la scène, tout comme c’est la marque de café Grand’Mère qui instaure la fête des grands-mères. Dans les années 1950, une entreprise bretonne spécialisée dans la vente de briquets à gaz se demande comment booster ses ventes, lors de la période creuse de juin. Le directeur de la société bretonne mise donc sur une campagne publicitaire autour de la fête des pères, qui se célèbre déjà aux États-Unis lors du troisième dimanche de juin. 

Les Français voient donc fleurir sur les devantures de leurs buralistes des affiches aux slogans tels que « Fête des pères ! Offrez-lui un Flaminaire, le briquet qui tient toutes ses promesses ! » ou “Nos papas nous l’ont dit, pour la fête des pères, ils désirent tous un Flaminaire”. Coup de génie marketing : c’est un gros succès. 

fête des pères france espagnePublicités Flaminaire en 1959 et 1962.

Albert Duserval, retraité, se souvient à l’époque de cette campagne publicitaire. “Je me souviens, j’avais 10 ans en 1951. Je me suis privé de sucreries et j’ai vendu pendant plus d’un mois le journal dans la rue pour me faire des sous et offrir mon présent à mon père”, raconte-t-il au Figaro. “De nos jours, offrir ce genre de cadeau serait mal vu, mais à l’époque la plupart des hommes en possédaient un pour fumer leurs cigarettes.”

La politique nataliste, un argument de plus

Un tel succès que l’année suivante, l’imprimerie Oberthur inscrit la fête des pères sur son calendrier. Elle aurait été officialisée partout en France en 1952, bien qu’on ne trouve aucun décret s’y référant. On peut aussi penser que l’idée d’imposer une fête des pères en France est plutôt en accord avec la politique nataliste de la période, car la fête des pères débarque seulement deux ans après que l’on fixe la fête des mères moderne au quatrième dimanche du mois de mai. Elle avait été repopularisée par Pétain en 1941, pour relancer les naissances. 

Aujourd’hui, l’Espagne ne partage la date du 19 mars qu’avec une autre poignée de pays où le catholicisme a aussi exercé une forte influence, comme le Portugal, l’Italie, la Bolivie, mais aussi le Maroc ou le Mozambique. 

La France, elle, célèbre la fête des pères en même temps que de très nombreux autres pays. Certains pays d’Europe d’abord, comme le Royaume-Uni, mais aussi une bonne partie du continent américain, plusieurs pays du Moyen-Orient et même d’Asie et d’Afrique. Des pays qui ont peut-être aussi été influencés par les États-Unis, tandis que les pays du sud de l’Europe restaient soudés au calendrier catholique.

À lire aussi : Fête des mères en Espagne vs France : une histoire différente

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