Circuits courts en Espagne : une solution contre la guerre

Circuit court espagne

Depuis le début de la guerre en Ukraine, le secteur agricole s’inquiète. En effet, la Russie et l’Ukraine sont les plus grands fournisseurs de céréales de l’Union européenne. Le conflit poussera-t-il l’Espagne à repenser son modèle agroalimentaire et à favoriser les circuits courts ? Éléments de réponse. 

Jeudi 24 février, les premières offensives russes en Ukraine sont lancées. Elles plongent le pays dans la peur et le chaos. Au-delà du drame humanitaire, qui, à l’heure actuelle, a poussé plus de 2 millions d’Ukrainiens à quitter le territoire, la sécurité alimentaire mondiale est menacée. Et pour cause, quelques jours après le début du conflit, les prix du blé et du maïs ont augmenté de 30 à 60 %. La hausse des prix affecte les aliments pour animaux et, par conséquent, le prix de la viande, du lait et des œufs. Les agriculteurs espagnols redoutent, sur le long terme, une incapacité à garder leur productivité, faute de matières premières.

L’avenir des circuits courts compromis

« Les éleveurs espagnols subissent de plein fouet l’inflation sur les prix des céréales qu’ils achètent pour nourrir leur bétail, mais ils ne le répercutent pas immédiatement sur leurs prix de vente s’ils sont en circuit court. Un déficit se fait déjà ressentir pour les agriculteurs » explique l’Association des Jeunes Agriculteurs et Éleveurs de Catalogne (JARC). L’inquiétude est d’autant plus grandissante en raison d’une récente résolution adoptée par le gouvernement ukrainien. Cette dernière interdit au pays l’exportation de certains aliments essentiels, notamment les céréales comme l’orge, le maïs ou encore les engrais d’origine végétale ou animale. L’interdiction sera effective jusqu’à la fin de l’année 2022 précise la résolution. « Cette mesure peut mettre en péril la sécurité alimentaire, même pour les circuits courts, car nous ne savons pas si nous aurons assez d’engrais et de matières premières pour continuer notre production » redoute l’association des Jeunes Agriculteurs.

Aujourd’hui, l’agriculture conventionnelle est en mesure de nourrir un peuple, mais si les rendements sont divisés par trois ou quatre, les distributions seront elles aussi restreintes. « Il faut rappeler que nous travaillons avec du vivant, nous avons besoin de temps pour faire pousser une culture. Il nous est impossible de produire la même quantité de matières premières fournie par l’Ukraine et la Russie en quelques mois » rappelle le collectif.

Le secteur agricole espagnol en difficulté

“La sécheresse et l’invasion de l’Ukraine menacent de mettre au régime toute l’Espagne.” Le journal économique Cinco Días ne pouvait être plus alarmiste. Et pour cause, les aléas climatiques en ce début 2022, notamment le manque de pluie pour irriguer les terres, inquiètent également le monde agricole. À titre d’exemple, du 1er octobre 2021 au 20 février 2022, il a plu 41 % de moins que la normale sur l’ensemble du territoire espagnol, d’après l’Agence météorologique espagnole.

“Plus de la moitié des campagnes sont en état d’alerte à la sécheresse. Dans les zones les plus critiques, comme l’Andalousie, l’Estrémadure et Castille-La Manche, on pourrait perdre jusqu’à 70 % de la production annuelle, selon la Coordination des associations d’agriculteurs et d’éleveurs” relaye le journal Cinco Días. Un constat corroboré par les Jeunes Agriculteurs et Éleveurs de Catalogne. Les épisodes de sécheresses répétés dans la région mettent à mal une éventuelle souveraineté agricole catalane et donc espagnole.

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Plus d’importations d’Amérique latine

En réaction, le ministère espagnol de l’Agriculture a demandé à Bruxelles, le 4 mars dernier, de prendre des mesures exceptionnelles pour assurer l’approvisionnement en matières premières pour l’alimentation du bétail. « L’agression contre ce pays va à l’encontre du droit international et a conduit à une situation exceptionnelle sur les marchés des matières premières pour la production d’aliments pour animaux. Par conséquent, l’adoption de mesures exceptionnelles est également requise », a déclaré au début du mois de mars le ministre Luis Planas. Ce dernier considère que la priorité est d’assurer l’importation de matières premières nécessaires aux agriculteurs.

Dans ce contexte, le ministère, qui a reçu le jeudi 3 mars, le soutien des organisations agricoles telles que les Jeunes Agriculteurs (Asaja) et l’Union des Agriculteurs (UPA), a demandé à la Commission européenne de faciliter les importations de céréales en provenance d’Argentine. L’importation de maïs et de soja génétiquement modifiés des États-Unis ou du Brésil, sous le contrôle de l’Agence de sécurité alimentaire, a également été évoquée.

« À court terme, cela pourrait être une solution pour pallier la dépendance à l’Ukraine en matière de céréales, » estime l’association des Jeunes agriculteurs catalans avant d’émettre une réserve : »Il faudra tout de même veiller au bon fonctionnement des marchés en s’assurant que la flambée des prix agricoles ne conduise pas certains exportateurs à freiner leurs ventes pour les orienter uniquement au marché de leur propre pays ».

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