Les Espagnols ont trois passions : le football, la fête et les pipas. L’habitude si particulière de grignoter des graines de tournesol ne cesse de surprendre les étrangers, et pourtant elle n’a rien de nouveau.
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Pour les touristes, c’est une curiosité locale bien particulière : les Espagnols mangent des graines de tournesol, appelées “pipas”. Le spectacle est d’ailleurs particulièrement intéressant, lorsqu’on n’est pas habitué : la nonchalance des mouvements, le geste si mécanique d’ouvrir la graine avec les dents et (souvent) de cracher la coquille.
Si cette coutume étonne autant, c’est qu’elle n’existe presque nulle part ailleurs… Sauf en Russie. Bien que le tournesol soit une plante d’origine américaine, ses graines devinrent un apéritif courant parmi les paysans russes.
C’est d’ailleurs l’une des premières explications que l’on trouve, lorsque l’on cherche pourquoi les Espagnols mangent des “pipas” : ce seraient les brigadiers russes qui auraient importé leur en-cas, en venant prêter main-forte aux Républicains durant la guerre civile. Mais en réalité, la passion espagnole pour les graines de tournesol est bien antérieure.
Déjà vers les années 1900, on consommait ce snack dans la Péninsule ibérique. Des nouvelles et feuilletons publiés dans le journal ABC y font référence, au début du XXème siècle, preuve que la coutume est déjà installée depuis un moment.
Le « boom » espagnol des graines de tournesol
Mais le boom des “pipas” semble effectivement s’être produit au cours des années 1930. Un agriculteur de la province de Cuenca se serait mis à vendre ses graines de tournesol à des marchands de fruits secs et grillés de Madrid, explique un article du ABC de 1934. Et lorsque les vendeurs se mirent à saler et griller les graines, leur donnant leur saveur si caractéristique, les ventes bondirent.
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Un en-cas savoureux, donc, mais surtout économique, et c’est ce qui le popularise encore plus durant un triste événement de l’histoire : la guerre civile. Fin 1937, alors que la faim et la misère ont pris place en Espagne, ABC relate que les pipas remplacent les snacks traditionnels. Les bonbons, chewing-gums, cacahuètes ou encore la réglisse sont devenus trop rares ou trop chers, en temps de guerre, pour la population. C’est l’avènement des “pipas”… et ce n’est pas au goût de tous.
Pour le journal conservateur, la consommation exubérante de ce modeste en-cas constitue presque un problème de salubrité. Le quotidien se lamente que les salles de théâtre et de cinéma soient désormais juchées de coquilles de graines, et que le bruit constant du craquement de celles-ci sous les dents des assistants perturbe les représentations.
ABC s’irrite tellement de cette nouvelle addiction des classes populaires qu’il attribue même des problèmes de santé à la consommation excessive de “pipas”, comme la toux, le rhume ou une inflammation de la gorge. Le tout, certainement pour leur donner mauvaise réputation.
Un risque pour la santé ?
Mais on sait aujourd’hui que les risques pour la santé sont réels… si l’on en abuse. On conseille de limiter la consommation à 30 grammes par jour, surtout si les pipas sont grillées et salées. Car en général, le geste est tellement automatique et inconscient que l’on peut rapidement terminer un paquet entier sans s’en rendre compte, et ainsi dépasser les recommandations maximales de calories par jour.
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Malgré la mauvaise réputation que lui imputait ABC dans les années 1930, ainsi que les recommandations des nutritionnistes, les “pipas” sont toujours un snack de choix en Espagne aujourd’hui. Presque deux tiers des Espagnols en mangent (étude GfK, 2018). Les trois quarts des consommateurs aiment surtout leur goût, mais leur prix très abordable reste un argument majeur pour presque la moitié d’entre eux lorsqu’il s’agit de grignoter quelque chose.
Pour s’immerger dans la culture espagnole, donc, rien de tel que de déguster leur en-cas préféré. Mais pour pouvoir y goûter, encore faut-il savoir s’y prendre.
Comment manger les pipas ?
Placer une graine de tournesol sur le côté de la bouche, entre les molaires. On peut la placer horizontalement ou verticalement, selon les préférences, en la déplaçant avec la langue.
Croquer fermement mais d’un coup sec pour casser la coquille de la graine, sans pour autant qu’elle éclate en morceaux et se disperse.
Faire ensuite glisser la graine sur la langue et séparer la coquille de l’intérieur de la graine, à l’aide de la langue. Pour bien les différencier, la coquille est dure est salée alors que l’intérieur de la graine et plutôt doux et sucré.
Crachez la coquille et dégustez la graine.
Avec un peu de pratique, le geste devient automatique. Voilà le secret des Espagnols.
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