Comme toutes les anecdotes historiques, l’origine du nom de Barcelone mêle légendes, vérités et preuves disparues. Mais elles forment aujourd’hui le mythe de la fondation de Barcelone, l’éternelle cité comtale.
Entre “Barna”, “Barça” et “la cité comtale”, Barcelone ne manque pas de surnoms. Que l’on connaisse ou pas l’origine de ces apodos, peu de gens connaissent la véritable histoire du nom de Barcelone.
Et, comme toute origine, les faits historiques et les légendes s’entremêlent.
Hercule, fondateur de Barcelone
La légende la plus connue raconte que c’est Hercule lui-même, le demi-dieu grec, qui a fondé la ville et l’aurait baptisée.
Selon la légende, le héros est parti d’Athènes avec neuf bateaux pour rejoindre l’extrémité nord-ouest de la Méditerranée. Il était accompagné des argonautes, et cherchaient la mythique toison d’or.
Mais les navires ont traversé une tempête, et seul un bateau s’en est sorti. Il a accosté sur les rives d’une colline. Pour Hercule, c’était un véritable miracle que l’équipage s’en soit sorti. Il a alors fondé une ville pour que puissent y vivre les occupants de ce neuvième bateau, “barca nona”… d’où le nom aujourd’hui de “Barcelona”.
Photo : AL PHT Air Picture TAVISA/Ajuntament
Au passage, le demi-dieu aurait aussi renommé la colline “monte Jovis”, le “mont de Zeus”, qui n’est autre que le Montjuïc actuel.
Mais cette anecdote n’est pas la seule explication existante à propos du nom de la colline. On raconte aussi qu’il s’agit en fait du “mont des Juifs”, “monte Judaycho”, mais cette hypothèse est peu documentée et plus récente.
Une origine nord-africaine
Mais Barcelone pourrait tout aussi bien être d’origine nord-africaine. Pour ceux le confondraient avec un tueur en série de roman, Hannibal était un général militaire né à Carthage.
Cette cité, fondée par les Phéniciens et très puissante, s’est opposée aux Romains pendant les guerres puniques. Elle se situe sur les côtes de l’actuelle Tunisie.
Et ce serait Hannibal, ou son père Halmicar (lui aussi militaire), qui auraient fondé ou du moins renommé Barcelone, à partir du nom de leur clan les “Barcides”, et “Barca” étant un surnom d’Halmicar.
Barcelone serait la ville la plus au nord appartement à Carthage, si l’on suit cette hypothèse. Elle aurait aussi pu être une position de repli sûre pour le général Hannibal, lorsqu’il a longé les côtes espagnole et française pour s’attaquer aux Romains. Tout cela se déroule entre 300 et 200 avant J.-C.
Peu importe l’origine réelle du nom de Barcelone, dans les faits historiques, elle est prise par les Romains entre 15 et 10 avant J.-C. et renommée « Barcino« , un nom bien plus connu aujourd’hui.
Barcelone, un nom de chantier naval
Mais l’une des hypothèses les plus probables pour expliquer le nom de Barcelone se trouve… sur des pièces de monnaie.
Sur la plaine et les monts de Barcelone étaient éparpillés des peuples ibériques, dont les “lacétans”, influencés par les Grecs, et qui ont d’ailleurs donné son nom à la Via Laietana.
Certains vivaient sur Montjuïc, où l’on a retrouvé quelques pièces de monnaie d’argent, dans un style qui imitait les drachmes grecques. Elles datent du IIIème siècle avant J.-C., et arborent des figures d’influence clairement grecques : un profil de femme côté pile et Pégase, le légendaire cheval ailé, côté face.
Photo : Musée national du Danemark, Copenhague
Et qu’est-il inscrit, dans l’alphabet ibère, sur ces pièces ? “Barkeno” ! Selon les historiens, il pourrait bien s’agir du nom de leur village, fondé vers le VIème siècle avant J.C. sur le versant sud de Montjuïc, tout près de l’actuelle Avinguda dels Ferrocarrils Catalans.
Les lacétans auraient d’ailleurs ouvert leur propre port, à l’embouchure du fleuve Llobregat tout proche.
Et cela explique l’inscription sur ces fameuses pièces : “Barkeno” pourrait venir du grec “barkas” (“bateaux”) et “keno” (faire), selon Enric Cabrejas Iñesta, chercheur sur l’histoire du language. “Barkeno” pourrait donc faire référence à un chantier naval ibérique, où l’on “fait” des bateaux.
“Barkeno” serait devenue “Barcino” puis “Barcelona” très logiquement : le “K” grec aurait été remplacé par le “C” latin des Romains, et “ona” signifie en langue ibère quelque chose de grand : “Barcelona”, une ville plus grande que la romaine “Barcino” ou que l’ibère “Barkeno”. CQFD.
La pièce perdue du puzzle
L’origine du nom de Barcelone tiendrait donc très probablement dans ces piécettes d’argent de plus de 2000 ans. Et, malheureusement, ces pièces du puzzle que forme l’histoire de Barcelone ne s’y trouvent même pas.
L’une des pièces de monnaie se trouve aujourd’hui à Copenhague, au Musée national du Danemark. Si elle a voyagé si loin de sa ville natale, c’est en partie dû à un ami du roi du Danemark, qui a acheté la pièce à un antiquaire parisien durant le XIXème siècle, avant de l’ajouter à la collection royale de monnaies danoise.
Bombardement à la Barceloneta, mai 1937. Photo : Brangulí, Archives nationales de Catalogne
L’autre pièce de monnaie connaît un sort encore plus étrange : elle disparaît purement et simplement durant la guerre civile, précisément en 1936, alors qu’elle se trouvait à Barcelone même. Aujourd’hui, la ville n’a aucune idée d’où elle se trouve, si elle a été détruite ou non.
On retrouvera peut-être un jour cette mystérieuse pièce, demain ou dans cent ans, par hasard dans l’héritage d’un particulier ou parmi les œuvres d’une collection privée.
Le mystère reste entier, mais le service d’archéologie de Barcelone ne perd pas espoir et recherche toujours activement la pièce, et demande à qui détiendrait des informations sur celle-ci de leur en faire part.
Un témoin historique de la naissance de Barcelone est peut-être caché quelque part, dans la ville, et refera un jour surface pour compléter le puzzle de l’Histoire.
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