Le Premier ministre Pedro Sanchez aurait voulu être un centriste. La real-politique espagnole en a décidé autrement.
L’Europe, mis à part les pays de l’Est, sont gouvernés au centre. La France de Macron, l’Allemagne de Merkel ou Scholz, l’Italie de Mario Draghi oscillent entre le centre-gauche et centre-droit. Une force de gravité qui penche toujours vers Bruxelles, attirée elle aussi par le centrisme.
Le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, « passe bien » à Bruxelles. Dans le club des grands d’Europe, Sanchez cultive son image centriste. Après avoir pactisé avec les libéraux de Ciudadanos lors de sa première tentative ratée d’accès au pouvoir en 2016, le Premier ministre a repris ce dimanche lors du 40e congrès du Parti Socialiste des accents de centre. Nous sommes dans la dynamique européenne car nous sommes le parti social démocrate espagnol, a clamé en substance Sanchez. Pas une seule référence à Podemos, la gauche radicale avec qui les socialistes gouvernent en coalition.
A peine le congrès de la famille socialiste bon chic bon genre achevé, la crue réalité s’est de nouveau invitée sous les yeux de Pedro Sanchez. Arnaldo Otegi, ancien terroriste, ex-prisonnier et chef de file de Bildu, l’extrême-gauche indépendantiste basque alliée des socialistes, a mis les pieds dans le plat. Otegi, à l’occasion des 10 ans du démantèlement de la bande ETA, à laquelle il a appartenu, a condamné du bout des lèvres la violence terroriste sans demander pardon aux centaines de victimes et leurs familles, dont la vie fut fauchée par les bombes basques. En revanche, Otegi a annoncé à Sanchez la condition des députés de Bildu pour le vote du budget 2022 de l’Espagne : la libération de 300 prisonniers ayant appartenu à ETA.
Arnaldo Otegi
Sans majorité au parlement espagnol, les socialistes doivent s’appuyer sur les députés de forces régionalistes pour obtenir le nombre de votes suffisants pour adopter le budget et les grandes lois. Bildu en fait partie, au même titre que l’extrême-gauche de Galice, les indépendantistes catalans ou la gauche radicale de Valence. C’est cette majorité parlementaire hétéroclite qui a permis l’investiture de Pedro Sanchez en 2019, plus motivée par la perspective de barrer la route à la droite que de soutenir le socialiste. Une des joies de la répartition parlementaire sous le système de la proportionnelle.
Sanchez, soucieux de continuer sur son chemin centriste, a déminé le terrain en annonçant hier devant le parlement qu’il était hors de question de libérer les prisonniers d’ETA. Mais une nouvelle fois, les démons radicaux rattrapent le Premier ministre Pedro Sanchez et envoient le centriste au purgatoire. Pedro Sanchez veut batifoler avec les chefs d’entreprises et autres forces vives de la nation mais se retrouve sans cesse happé par ses encombrants soutiens parlementaires. Quand ce ne sont pas les indépendantistes catalans qui menacent la stabilité gouvernementale en réclamant un référendum non constitutionnel, c’est un parti basque qui pose le débat sur la mémoire du terrorisme. Des demandes impossibles à satisfaire pour un gouvernement modéré.
Pedro Sanchez, comme nous l’avons écrit, possède une bonne image à Bruxelles avec les autres chefs de gouvernement. En revanche, ses amis politiques à oreilles percées et coupes mulets sont invités à rester à la maison. A Bruxelles, le centriste ne les assume pas.