Ada Colau est au cœur d’une campagne tous azimuts ayant pour objectif de l’empêcher de se représenter en 2022. Décryptages.
Dans l’ancien monde politique, organiser la Mercè pour un maire était un atout électoral important. Mapping sur la façade de l’hôtel de ville flattant le visage artistique de Barcelone, feu d’artifice rassemblant les générations, spectacles, musiques et bonne humeur collective. Avec une Mercè réussie, le maire de Barcelone en sortait renforcé.
La 150e édition des fêtes de Barcelone, certes gâchée également par la pandémie, est un traquenard pour Ada Colau. La Mercè a commencé sur une polémique. Les oppositions de droite (Partido Popular, Ciudadanos, Vox et Junts le parti de Carles Puigdemont) ont appelé à huer massivement Colau lors du discours inaugural jeudi soir, prononcé sur la Plaça Sant Jaume. La maire, ne voulant pas revivre l’épisode des fêtes de Gracia où elle fut huée par les indépendantistes, a décidé de barricader la place par un impressionnant dispositif de la Guardia Urbana.
Une décision qui n’a pas empêché les huées, qui ont eu lieu sur la plaça Sant Miquel derrière la mairie, et qui en plus a donné une image de Colau se cachant derrière une muraille policière. Coupée physiquement du peuple par une armée de policiers n’est pas précisément une image qui sied à un personnage politique de la gauche radicale.
Pas de Mossos d’Esquadra pour un rassemblement de 15 000 personnes
Vendredi soir, 15.000 personnes éméchées ont festoyé, sans autorisation, sur la Plaça Espanya en marge des activités officielles de la Mercè. Avec les boites de nuit fermées pour cause de pandémie, il était évident que ce rassemblement allait mal finir. Et ce fut le cas : voitures incendiées, commerces saccagés, centre de vaccination attaqué. Ce qui est surprenant est que l’ensemble du dispositif policier fut majoritairement assuré par la police municipale de Barcelone. Or, la compétence de la sécurité du territoire repose sur les Mossos d’Esquadra. Pourtant, comme un seul homme, les indépendantistes et la droite ont accusé exclusivement Ada Colau d’avoir laissé Barcelone pillée par des vandales alors qu’elle ne dispose pas des compétences en matière de sécurité.
Curieusement, le ministère catalan de l’Intérieur, dirigé par la gauche indépendantiste, n’a envoyé vendredi soir aucun dispositif pour prévenir une émeute qui était plus que prévisible. « Il n’y avait que les agents de garde sur place, pas de forces anti-émeutes » confirme à Equinox une source des Mossos d’Esquadra.
Des faits graves qui se sont soldés par l’invasion du commissariat de la Guardia Urbana de Plaça Espanya par des émeutiers.
Lors de la Diada, le 11 septembre dernier, le ministère catalan de l’Intérieur a déployé un important dispositif policier, avec des dizaines de fourgon anti-émeutes et un hélicoptère dans le ciel pour empêcher des manifestants d’attaquer le commissariat de police espagnol situé Via Laietania. Il n’a fallu que quelques minutes à la très musclée Brigada Mobil des Mossos d’Esquadra pour disperser une foule excitée. Il est singulier de constater que les indépendantistes du ministère de l’intérieur sont plus efficaces pour protéger un commissariat espagnol qu’un bâtiment de la Guardia Urbana catalane.
Libérer la place pour prendre la mairie
Sifflets, sabotages sécuritaires, de quoi est synonyme de cette campagne ? De l’intérêt de la plupart des partis politiques d’éviter qu’Ada Colau ne puisse se présenter aux municipales de 2022. Les indépendantistes de gauche, le parti de Puigdemont, et même les socialistes pourtant en coalition avec Colau, estiment chacun que la mairie est « prenable » en 2022.
Même affaiblie, Colau peut réussir à réaliser un score suffisamment correct pour refaire un coup de Trafalgar, comme en 2019 où elle s’est alliée avec Manuel Valls alors que l’indépendantiste Maragall avait gagné le scrutin. Un renoncement de Colau signifierait la disparition de son parti En Comù, la branche locale de Podemos. La place serait libre pour les indépendantistes ou les socialistes.