Le chaos des poubelles à Barcelone

Photo : Isaac Planella (Ajuntament)

Déchets à même le sol, sacs de détritus non ramassés, conteneurs fermés… La gestion des poubelles à Barcelone fait débat, avec des systèmes de ramassage critiqués par les habitants. Pourtant, la mairie ne compte pas faire machine arrière.

Jaune pour les emballages, bleu pour le papier, marron pour les déchets organiques… Bien que les conteneurs de tri sélectif fassent partie intégrante du décor à Barcelone, les détritus abandonnés à même le sol sont aussi monnaie courante, en particulier dans certains quartiers du centre-ville.

Lorsqu’on lui demande de commenter l’état de propreté et la gestion des déchets dans le Raval, Antonio Martínez Gómez, président de l’association de quartier, répond sans hésiter : « Très mauvaise ! Le Raval est un peu abandonné par la mairie, surtout au niveau des déchets. »

Poubelles à Barcelone

Photo : Carlota Serarols (Ajuntament)

Même s’il reconnaît que l’incivilité de certains habitants entre en jeu, le président estime que la mairie n’investit pas assez pour la propreté du quartier. « Il y a même des conteneurs de collecte pneumatique des déchets [conteneurs enfouis dans le sol et vidés par aspiration] qui sont cadenassés depuis trois ou quatre mois, les habitants doivent aller dans d’autres rues pour jeter leurs détritus ! », déplore-t-il.

Des systèmes de poubelles à Barcelone trop coûteux

Si la collecte pneumatique, qui occupe moins de place sur l’espace public, paraît être une solution dans le Raval pour l’association de quartier, elle ne peut pas être mise en place partout.

« Ce système représente un investissement impensable », explique Jaume Artigues, président de l’association de quartier de la Dreta de l’Eixample, où le système de conteneurs à l’air libre n’est pas optimal selon lui. « Il faudrait en plus trouver un espace assez grand pour stocker les déchets et creuser des conduits de cinquante centimètres de diamètre dans les rues. La collecte pneumatique a été mise en place dans le quartier de Ciutat vella parce que les rues y sont trop petites pour y mettre des conteneurs, mais ça m’a l’air très difficile à installer dans l’Eixample. Mais l’on pourrait améliorer les choses, comment en augmentant la fréquence de collecte des déchets par exemple. »

Pour la mairie, dont l’objectif principal est d’améliorer le tri sélectif, la collecte pneumatique n’est pas la bonne solution. « C’est précisément un système qui ne met pas en évidence l’individualisation du tri sélectif et qui suppose un investissement économique. C’est pour ces raisons que, depuis plusieurs années, Barcelone a décidé de ne plus s’engager sur de nouveaux projets d’extension de la collecte pneumatique. »

Le « véritable désastre » du porte-à-porte

Mais parmi les quartiers de Barcelone où la gestion des déchets fait le plus débat, Sant Andreu se démarque du reste. Depuis mai dernier, la mairie ramasse désormais les poubelles des habitants sur les trottoirs en suivant un calendrier défini, les riverains devant déposer à un moment précis de la semaine leur sac poubelle contenant le type de déchet correspondant.

Poubelles à Barcelone

Photo : Asociacio veinal de Sant Andreu Sud

Si la mairie se félicite de la réussite de la mise en place de ce système de porte-à-porte, qui a fait passer le tri sélectif de 40 % à 80 % à Sant Andreu, la présidente de l’association de quartier Cristina Galán s’insurge : « C’est un véritable désastre ! Nos rues sont pleines de sacs poubelles que la mairie ne ramasse pas, soit parce qu’ils n’ont pas été sortis au bon moment, soit parce qu’ils ont été mal triés. On a maintenant dans le quartier des rats de la taille de chats ! »

Elle déplore que ce système, déjà en place dans les quartiers de Sarrià, Horta et Sant Antoni, ne réponde pas aux besoins des habitants. « Il y a des gens qui travaillent de nuit, tôt le matin… et qui ne peuvent pas sortir leurs poubelles quand il faut. Et puis il y a des gens qui n’ont pas la place chez eux pour stocker leurs déchets toute une semaine en attendant le jour de la collecte. »

Malgré les plaintes des habitants de Sant Andreu, la mairie de Barcelone compte bien étendre le ramassage des déchets au porte-à-porte à d’autres quartiers, « en accord avec les spécifications urbanistiques et sociales de chacun, avec l’objectif de remplir les directives européennes de recyclage ».

Pour l’opposition, le système de porte-à-porte n’est pas adapté à la densité de population de Barcelone. Elle propose plutôt l’utilisation de conteneurs intelligents, et la collecte pneumatique lorsque l’espace manque. « Les habitants sont habitués à utiliser les conteneurs, et il existe des conteneurs intelligents qui facilitent le tri sélectif, identifient les riverains qui jettent leurs déchets, offrent un système de gratification… Ce sont des technologies qui existent, mais que nous n’utilisons pas ici », déplore Francina Vila, porte-parole de Junts per Catalunya à la mairie de Barcelone.

Poubelles à Barcelone

Photo : Òscar Giralt (Ajuntament)

Selon elle, les équipes de Colau gèrent mal les déchets et la propreté de manière générale. « Pour la mairie, renforcer le nettoyage, analyser l’état de la ville et cibler les besoins n’est pas une priorité politique. »

Barcelone, une ville sale ?

« Je pense que la situation actuelle de gestion des déchets dans le quartier peut totalement présenter un problème au niveau sanitaire », estime la présidente de l’association de quartier de Sant Andreu. « Les sacs poubelles restent des semaines sur le trottoir, les déchets organiques pourrissent et sont absorbés par le revêtement, et cela attire tout type de parasite et de l’insalubrité. » D’autres quartiers de Barcelone souffrent aussi du même problème, comme le dénonce notamment la gauche indépendantiste catalane (ERC) en déplorant une plaie de rats et de cafards, particulièrement dans les quartiers de Sant Martí, Ciutat Vella et Les Corts.

Pourtant, pour le docteur Philippe Emanuely, Barcelone n’est ni plus propre ni plus sale qu’une autre grande ville. « Elle me semble même plus propre, si on la compare à Marseille ou Paris par exemple », estime le médecin généraliste à Barcelone. « De mon point de vue, même si l’on trouve des quartiers et endroits très sales comme les plages de la Barceloneta ou le Raval, les rues de la ville sont globalement propres. Je ne considère pas que la gestion des déchets y soit un point majeur de santé publique. »

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