À Barcelone, il est courant de croiser des bandes de jeunes boire dans les rues et sur les plages de la ville, il s’agit des « botellones ». La fermeture des discothèques pour contenir l’épidémie a accentué le phénomène. Pourquoi la jeunesse barcelonaise l’affectionne-t-elle tant ? Reportage.
Photos : Clémentine Laurent/Equinox
« On adore se réunir dans la rue entre potes pour boire et s’amuser » s’exclame Javi, 22 ans, étudiant en communication. Le jeune homme se rend régulièrement sur le Passeig del Born avec son groupe d’amis. Ils boivent, grignotent et écoutent de la musique au milieu de l’effervescence du samedi soir de la rambla. « Sans le couvre-feu, nos soirées à boire dans les rues nous mèneraient jusqu’au petit matin » explique, amusé, le Catalan.
Toutefois, en ce mois d’août, le côté festif voire débridé des botellones s’est atténué. Des groupes de jeunes se réunissent, relativement dans le calme, loin de l’enthousiasme des soirées des mois précédents. Effectivement, à la fin du couvre-feu, le 9 mai dernier, une euphorie s’est emparée des Barcelonais. L’Arc de Triomf, le Passeig del Born ou encore la Barceloneta étaient pris d’assaut par une jeunesse ravie de renouer, enfin, avec la liberté pré-pandémie. Pour les riverains, ces soirées beuveries à répétition a viré au cauchemar entre les tapages nocturnes et les déchets laisser à même le sol. Au-delà de ces désagréments, nombreux sont les jeunes Barcelonais à participer, quasiment quotidiennement, aux botellones.
Phénomène espagnol
« Ces rassemblements festifs font partie de la culture espagnole, tous les gens de mon âge y participent » affirme Javi. Et pour cause, le botellón est ancrée dans l’Histoire de la péninsule ibérique. Le phénomène débute dans les années 60, avec la commercialisation massive d’alcools. Elle s’amplifie lors de la révolution sociale et culturelle qui a accompagné l’émergence du régime démocratique en Espagne, après la chute de la dictature franquiste en 1975. Dès la fin des années 90, ce phénomène anecdotique et local, s’est généralisé progressivement jusqu’à devenir un phénomène de société.
Sur le Passeig del Born, un groupe d’amis passe sa soirée à boire et discuter.Dès lors, les beuveries de rue se sont banalisées dans le paysage espagnol. Les participants y trouvent même un moyen de se « sociabiliser ». « Au fil des semaines, on rencontre de nouvelles personnes, on sympathise avec elles, c’est un bon moyen d’élargir son cercle d’amis » confie l’étudiant. Avec la fermeture des boîtes de nuit pour cause de Covid, les jeunes se réunissent presque exclusivement dans les rues pour profiter de la saison estivale. Les touristes, eux aussi privés de discothèques, suivent le mouvement et participent, parfois sans le savoir, à des botellones.
Les Français s’y mettent
« On ne connaissait pas le concept des botellones, mais on a vu que beaucoup de jeunes achetaient des boissons alcoolisées et les consommer dans la rue, alors on a fait pareil », reconnaît Axel, originaire de Montpellier. En vacances dans la capitale catalane, Axel et ses compagnons se sont réunis sur la plage. Clapotis des vagues, sable fin et l’impressionnant Hotel Vela en arrière-plan, le groupe profite de l’ambiance atypique des nuits sur la plage barcelonaise. « Comme les discothèques sont fermées, se poser sur la plage jusqu’au couvre-feu est une bonne alternative et puis le cadre est top » assure Axel.
À quelques mètres du groupe, une bande d’amies, elles aussi françaises, profitent de leur samedi soir sur la Barceloneta : « Avant de venir sur la page, nous avons fait un petit tour dans une supérette pour acheter de quoi boire, détaille Manon, 23 ans. On a adopté le mode de vie barcelonais au bout de 5 jours » plaisante la Parisienne. Bouteilles en main, Catalans et touristes investissent les rues et plages de la ville à la nuit tombée, et renouent avec la « liberté d’avant Covid ».