Violences homophobes à Barcelone : “On vit un retour en arrière”

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Depuis plusieurs mois, les agressions homophobes se multiplient à Barcelone. Longtemps considérée comme la capitale gay du sud de l’Europe et l’Eldorado des expatriés homosexuels, la cité comtale serait-elle devenue moins sûre pour la communauté LGBTI ? Éléments de réponse. 

Le 29 mai dernier, sur la plage barcelonaise de Somorrostro, un jeune couple homosexuel est violemment agressé par quatre individus. Le 24 juin, autre violence à caractère homophobe sur le mirador du Park Guëll, où un groupe de dix personnes s’en prend physiquement à un homme de 52 ans. De tristes événements loin d’être des cas isolés dans la capitale catalane. « Depuis le 1er janvier 2021, l’Observatoire contre l’homophobie (OCH) a recensé 73 agressions à Barcelone, explique Eugeni Rodríguez, président de l’OCH, soit une augmentation de 25 % des violences par rapport à l’an passé sur la même période. Toutefois, nous savons que ces chiffres sont en deçà de la réalité » confie-t-il.

Devant cette recrudescence d’attaques à l’encontre de la communauté LGBTI, le représentant de l’Observatoire tire la sonnette d’alarme : « Nous constatons effectivement une augmentation de la violence contre les homosexuels à Barcelone, mais le plus inquiétant repose sur l’intensité de ces actes. Elles sont de plus en plus violentes » constate Eugeni Rodríguez tout en pointant du doigt un laxisme du processus judiciaire.

Laxisme juridique

D’après les chiffres de l’OCH, sur toutes les agressions recensées en 2021, seuls 6 individus ont été condamnés. « Je pense que le travail de la justice n’est pas optimal » s’indigne Eugeni, les condamnations ne sont pas dissuasives. » Un constat partagé par Philippe Saman, ancien président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Française de Barcelone et co-fondateur de l’association Ahora Donde (Le Refuge) à Barcelone. « Les peines de la justice ne sont pas exemplaires, le seul remède selon moi, c’est la tolérance zéro. » 

Philippe Saman, l’un des membres fondateurs de l’association « Le Refuge » à Barcelone

Bien que ce phénomène s’accentue à Barcelone, les deux interlocuteurs placent ces agressions dans un contexte mondial. « Ce n’est pas uniquement concentré sur Barcelone, mais dans toute l’Espagne et à plus grande échelle dans le monde » déplore Philippe Saman. Effectivement, en juillet dernier, Samuel Luiz, aide soignant de 24 ans, est tabassé à mort devant une discothèque de la Corogne, en Galice (nord-ouest de l’Espagne). Ce lynchage mortel a ému toute la péninsule ibérique et a traversé les frontières. Des rassemblements ont eu lieu, notamment à Barcelone le 9 juillet dernier, pour s’indigner face à ce « crime homophobe ». « Nous avons franchi une étape, déplore Philippe Saman, si nous ne réagissons pas, il sera difficile de revenir en arrière. Il faut une prise de conscience générale. Les politiques, les activistes, et même les médias auront un rôle à jouer là-dedans » poursuit le co-fondateur du Refuge à Barcelone.

Plus de sensibilisation et d’accompagnement

Les enquêtes policières montrent que cette violence décomplexée à l’encontre de la communauté LGBTI, est souvent opérée par des jeunes. Par exemple, les auteurs de l’agression du couple sur la plage de Somorrostro étaient âgés entre 17 et 26 ans, rapporte l’Agència Catalana de Notícies (ACN). « Le profil très jeune des agresseurs démontre qu’il faut sensibiliser davantage les personnes ne connaissant pas le monde LGTBI » suggère l’ancien président de la CCI de Barcelone.

En parallèle, la mairie de Barcelone s’active pour éveiller les consciences et porter un message de tolérance et d’acceptation aux personnes étrangères à la communauté LGTBI. En janvier 2019, elle inaugure le centre municipal de recours LGTBI pour assurer leur protection, mais aussi, inciter les victimes ou témoins d’agressions à dénoncer les actes homophobes. La police municipale participe d’ailleurs à cette campagne de sensibilisation.

Néanmoins, les différentes actions de la municipalité ne « suffisent pas » souligne le président de l’Observatoire catalan. Les collectifs bénévoles jouent alors un rôle crucial. Pour soutenir les victimes d’agressions verbales ou physiques, l’OCH tout comme l’association Ahora Donde s’entourent de psychologues et de thérapeutes pour accompagner psychologiquement les victimes, mais aussi socialement pour qu’elles puissent reprendre le cours de leur vie sur un plan aussi bien professionnel que personnel. « Désormais, notre association veut davantage faire pression sur les politiques, espère Eugeni Rodríguez, pour appliquer des mesures fortes et protéger efficacement la communauté LGTBI. »

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