À Barcelone, cannabis et tourisme ne font pas bon ménage

Certains comparent Barcelone à “l’Amsterdam de la Méditerranée”, en raison de ses 200 clubs de cannabis. Si les lieux attiraient notamment les touristes pour acheter et consommer, ils pourraient vivre leurs derniers jours. 

« Tout est paralysé » indique Eric Asensio, porte-parole de la fédération des associations catalanes de cannabis (CatFac). « Il n’y a aucune logique » poursuit-il. Le 23 juillet dernier, la mairie de Barcelone a diffusé un communiqué indiquant que “les associations vont devoir s’adapter à la nouvelle situation légale : en fonctionnant uniquement comme des clubs sociaux privés, sans promouvoir la consommation, la vente et la culture”. Cette mesure pourrait être le coup de grâce pour des associations vivant principalement des touristes dans la capitale catalane.

L’annonce fait suite à la sentence du Tribunal supérieur de justice catalan, annulant le plan approuvé par la mairie de Barcelone en 2016. La municipalité avait fait un recours, refusé par le Tribunal Suprême le 22 avril dernier. Il a confirmé la « nullité » du « plan spécial urbanistique pour le règlement territorial des clubs et associations de consommateurs de cannabis dans la ville de Barcelone » que la mairie avait approuvé en mai 2016.

La norme permettait d’encadrer ces lieux ayant un statut associatif. L’objectif était d’éviter leur concentration, notamment près des écoles et centres de santé, réduire la gêne pour les habitants et améliorer le vivre-ensemble. La municipalité indique elle-même qu’il s’agissait d’une « initiative pionnière » pour réguler cette activité. Si la devanture des lieux est discrète à Barcelone, les clubs existent bel et bien et il y en aurait 200 au total aux quatre coins de la ville.

Le tourisme en baisse

La capitale catalane abrite deux tiers des associations de cannabis d’Espagne, dont le modèle économique repose sur la vente, notamment aux touristes. Dans les textes, les consommateurs font partie d’une association, ils y contribuent financièrement pour assurer la culture du cannabis. Ces lieux sont réservés aux personnes espagnoles ou détentrices du NIE, l’équivalent d’un permis de résidence, et doivent vivre à Barcelone. Les touristes en sont donc exclus.

Dans les faits, les membres d’un club peuvent acheter directement du cannabis à l’intérieur. Et il n’est pas rare d’entendre “coffee shop?”, une question glissée par les rabatteurs en centre-ville. Depuis des années, les visiteurs se laissent guider par eux jusqu’à la porte des clubs afin de pouvoir consommer du cannabis. Malgré une licence spéciale obligatoire, un certain vide juridique a permis à ces clubs de prospérer à Barcelone.

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Boutique de CBD à Barcelone

Si les clubs ne peuvent plus vendre, le « cannabo-tourisme » semble vouer à disparaître. « Il était déjà en déclin avec la pandémie, ceux qui faisaient leur pain avec les touristes ont dû mettre en pause leur activité ou fermer » indique Eric Asensio de CatFac. Il rappelle que la promotion de la consommation de drogue est considéré comme un délit, selon l’article 368 du Code Pénal Espagnol.

Entre attente et collaboration

Les clubs de cannabis n’ont pas dit leur dernier mot. « La culture n’est plus autorisée, alors qu’il y a un suivi de l’origine du produit, mais fumer oui, donc d’où va venir le cannabis des consommateurs ? Du marché noir? » s’interroge le porte-parole. Il demande désormais au gouvernement de donner les compétences aux communes afin qu’elles puissent s’adapter aux particularités de leur ville.

« C’était déjà une belle avancée la loi catalane de 2017, nous respectons les critères demandés. Nous croyons que notre modèle actuel fonctionne plutôt bien. Nous souhaitons continuer de collaborer avec la mairie » affirme le représentant des fédérations des associations catalanes de cannabis. Selon lui, la municipalité ne les a pas informé directement des changements à venir, « nous ne savons pas quelles seront les dates de contrôle, ça peut être en août, en septembre ou plus tard pour nous laisser le temps de nous adapter à la situation » précise-t-il.

De son côté, la mairie de Barcelone a créé un groupe de travail interne formé par des services juridiques, de santé et sécurité. Son but est de proposer des changements législatifs aux niveaux national et catalan et les étudier avec le gouvernement catalan et l’état. Elle considère que des espaces pour la consommation sont « nécessaires » s’ils sont contrôlés. « Il faut prendre en compte les fins thérapeutiques du cannabis, qui s’est montré efficace pour le traitement de cancers et autres maladies » peut-on lire dans un communiqué.

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