Si la cuisine barcelonaise regorge de plats typiques que les touristes ne connaissent pas, c’est aussi le cas des desserts. Ramón Perez Puigdollers, chef de la réputée Pastisseria La Palma, nous emmène dans le monde de la pâtisserie catalane.
« La pâtisserie catalane est avant tout très liée aux fêtes de l’année, et c’est l’une de ses caractéristiques », souligne le chef. « Auparavant, lorsque la météo changeait et que les paysans terminaient une récolte, ils la célébraient avec une petite fête et c’était l’occasion de manger un dessert traditionnel. »
Tortell de Sant Antoni
S’il peut faire penser au tortell de Reis, la « galette des Rois » espagnole que l’on déguste le 6 janvier, le tortell de Sant Antoni s’en différence notamment par le fait qu’il était à l’origine préparé… pour les animaux.
« Sant Antoni est le saint patron des animaux. Avant, on célébrait cette fête en faisant un gâteau à base de pâte de brioche, et on l’offrait aux animaux pour leur fête. Mais c’est devenu une pâtisserie que l’on mange tous les 17 janvier ! »
Bunyols de vent et brunyols de l’Empodrà
Les Catalans aiment les bunyols, des sortes de beignets, et ils ne s’en cachent pas : on peut en trouver partout, à différents moments de l’année et pour tous les goûts.
Brunyols de l’Empordà. De Consell Comarca Baix Empordà – https://www.flickr.com/photos/cuinadelemporda/16324926973/, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=39301019« Pour le Carême, il est de tradition de faire des bunyols de vent ou des brunyols de l’Empodrà. Ce sont des petites pâtisseries rondes à base de pâte de brioche ou de leonesa, qui ressemble à de la pâte à chou. On les frit et on peut les manger nature ou fourrés avec de la crème ou du chocolat par exemple. »
Postres de Sant Jordi
Tout le monde connaît la Sant Jordi comme la « Saint-Valentin catalane » : les garçons offrent une rose aux filles, et les filles offrent un livre aux garçons. Mais la pâtisserie s’adapte à tout.
« Pour le 23 avril, les pâtissiers réalisent un gâteau spécial, constitué de couches de biscuit, de beurre et de truffe de chocolat. Et on dessine au-dessus un Sant Jordi ou une rose, pour suivre la tradition. »
Coques de Sant Joan
Bien que ces pâtisseries traditionnelles de la Saint-Jean soient archiconnues à Barcelone, on connaît moins bien ses variantes, allant de la coca fourrée à la version sucrée-salée.
Coca de Sant Joan de la Pastisseria La Palma.« Il y a différentes recettes de coques : on les fait habituellement avec de la pâte de brioche ou de la pâte feuilletée, et on peut y ajouter des fruits secs, des pignons de pin ou de la crème catalane… et parfois même des chicharrones ou llardons, c’est-à-dire des sortes de lardons croustillants, ce qui donne une coca sucrée-salée. »
Panallets
Véritables incontournables de la Toussaint dans les Pays catalans, l’origine de ces petites mignardises remonterait au XVIIIe siècle, mais elles s’imposent encore aujourd’hui.
Panellets de la Pastisseria La Palma.« Les panallets, que l’on mange normalement le 1er novembre, sont un mélange de massepain et de sucre, souvent avec une couche de pignons de pin par-dessus. Mais aujourd’hui, on peut les décliner et en faire au chocolat, au café, à la pistache… »
Neules de Nadal
Les Catalans fêtent aussi Noël avec leurs propres sucreries, et parmi elles, on trouve les neulas. Elles auraient été inventées par une nonne, au Moyen-Âge, qui aurait eu l’idée d’enrouler une hostie sur elle-même.
« Ce sont des sortes de biscuits typiques de Noël, en Catalogne. Les neules sont comme les cigares faits de biscuit croustillant et fin, que l’on peut tremper dans du cava ou du vin. »
Neules de la Pastisseria La Palma. Mais les desserts catalans ne respectent pas forcément un calendrier, et on peut se régaler toute l’année avec une foule d’autres spécialités sucrées et typiques de la région.
Torró de crema catalana
Ni du turrón d’Alicante, ni du turrón de Jijona, mais un entre-deux. Les Catalans possèdent leur propre sorte de nougat, à base de leur célèbre crème catalane.
« Le turrón de crema est un ingrédient indispensable de la pâtisserie catalane. C’est un mélange d’amande et de sucre avec du jaune d’œuf, avec une couche de jaune d’œuf grillé par-dessus. »
Mel i mató
Pour ceux qui préféreraient le fromage aux autres desserts cités plus tôt, une alternative existe : un fromage de brebis, crémeux et servi sucré.
Mel i mató. By Tamorlan – Treball propi, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9052385« Le mató est un fromage typique de Montserrat [une montagne à 50 kilomètres de Barcelone] que l’on sert avec du sucre, ou du miel et des noix. Mais ce n’est pas qu’un fromage : dans un restaurant, quand on demande un mel i mató, on le sert comme un réel dessert. »
Postres de músic
Appelé aussi “semilla de cura” (‘graine de curé’), le ‘dessert du musicien’ paraît de prime abord être bien triste. Mais son origine supposée le rend beaucoup plus intéressant : selon la tradition populaire, il pourrait s’agir du mets que l’on offrait avant aux musiciens de rue pour les remercier, ou bien de la collation rapide que ceux-ci prenaient avant de monter sur scène.
« Il s’agit d’une poignée de fruits secs grillés, comme des amandes, des noisettes, des pignons de pin, des raisins secs… que l’on mange après le repas, accompagné d’un verre de moscatell, un muscat typique de Catalogne. »
Catànies
Pour les petites faims ou après un grand repas, les catànies sont des sortes de chocolats que l’on peut grignoter à peu près à n’importe quel moment.
Catànies. By Friviere – Treball propi, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=5887129« C’est une sucrerie originaire de Vilafranca del Penedès [ville catalane à 50 kilomètres de Barcelone]. Ce sont des amandes caramélisées et grillées, enrobées de pâte d’amande, de noisette et de lait et recouvertes d’une couche de cacao en poudre. »
En somme, la pâtisserie catalane ne se lasse pas de surprendre. « Elle est totalement différente du reste de l’Espagne », l’explique Ramón Perez Puigdollers. « Notre pâtisserie est plus moderne et plus tournée vers l’Europe, et c’est ce qui fait sa singularité. »