Assouplissements des restrictions, nouvelles mesures pour faciliter les déplacements, la haute saison qui approche, autant de facteurs laissant présager le retour des touristes dans les prochaines semaines à Barcelone. Bonne ou mauvaise nouvelle, le point de vue varie selon les habitants. Témoignages.
« Barcelone c’est le tourisme, c’est comme ça » raconte Javier devant son bureau de tabac situé face à la Sagrada Familia, au croisement des rues Marina et Provença. Depuis 17 ans, le Catalan voit passer Barcelonais et touristes chaque jour devant sa porte. « Avec la Covid, mon chiffre d’affaires a baissé de 40%, il remonte progressivement » confie-t-il. Les attentats de 2017 et l’instabilité politique avaient déjà impacté le tourisme selon lui. Il espère voir à nouveau des visiteurs dans les prochaines semaines. En ce mercredi de juin, l’ambiance est plutôt paisible aux abords de la basilique de Gaudí.« Dans le quartier, la fréquentation des établissements dépend des jours d’ouverture de la Sagrada Familia » explique Javier. Fermée depuis l’automne, la basilique accueille à nouveau des visiteurs depuis le 29 mai dernier, uniquement les samedis et dimanches matins. « L’entrée est désormais à 26 euros, c’est dommage que les lieux culturels augmentent leur prix, ça rend la culture moins accessible » relate Florence. Guide touristique de Barcelona Autrement, elle constate que les visites représentent un vrai budget pour les touristes, notamment les jeunes. « Faire la fête est ce qui coûte le moins cher à Barcelone au final. Il faudrait que l’offre culturelle s’adapte plus à eux » explique-t-elle.
Du côté de son activité, les demandes reprennent depuis mai. « Gaudí n’a pas bougé malgré la pandémie, les visiteurs auront envie de revenir cet été à Barcelone on les attend, en espérant ne pas revenir à une massification, et en restant prudent face au virus qui circule encore » confie-t-elle.
Changer le modèle
Le tourisme de masse est pointé du doigt par de nombreux habitants. « Barcelone est victime de son succès. La ville a laissé faire et aujourd’hui on se plaint des fêtards qui ne s’intéressent pas à l’histoire » confie Basile, travaillant dans l’immobilier. Il ajoute également que la mairie pourrait mieux choisir sa clientèle « les voyageurs des bateaux de croisière qui débarquent à Barcelone une journée ne sont pas ceux qui consomment le plus, tout comme les passagers des compagnies aériennes low cost » détaille-t-il, en ajoutant que Barcelone a tout de même besoin des touristes.
Installé depuis deux ans dans la capitale catalane, le Français réside dans le quartier du Born. « C’est plus calme actuellement, il n’y a pas de vélos, ni de trottinettes et tuk-tuk dans tous les sens. Le parc de la Ciutadella est beaucoup plus agréable également. Beaucoup de Barcelonais ont le sentiment de revoir la ville comme il y a vingt ans » raconte-t-il.
BasilePour Alice, le retour des touristes est clairement une mauvaise nouvelle. « C’est la première fois que j’habite dans une grande ville. Barcelone c’est la typique ville touristique, avec pour moi tous les défauts du tourisme comme la saleté des plages ou des infrastructures en bord de mer uniquement pensées pour les visiteurs » détaille la créatrice de bijoux.
Néanmoins, la Française a redécouvert la ville depuis la Covid. « J’en profite beaucoup plus. Cet hiver j’ai apprécié me promener dans des endroits habituellement touristiques, comme le Passeig de Gràcia ou la Rambla ». D’autres endroits ont subi un effet inverse. Alice aimait ses balades du dimanche le long de la Carretera de les Aigües, au coeur de la nature. Mais depuis plusieurs mois, le lieu est pris d’assaut par les habitants.
« Je reste curieuse de savoir quels seront les nouveaux commerces qui remplaceront ceux qui ont fermé, notamment dans le Gòtic ou le Born, où beaucoup de rideaux sont baissés actuellement. C’est dommage que la mairie n’ait pas profité de cette période pour réaliser plus de changements car tout reviendra comme avant » explique cette habitante de Gràcia.
Certains ont tout de même essayé, comme Casa Madre situé avenue Gaudí, à deux pas de la Sagrada Familia. « Nous avons changé notre carte durant la pandémie, en proposant des plats plus traditionnels pour cibler la clientèle locale » s’enthousiasme Roxana l’une des membres de l’équipe. Elle reconnaît que les retours des touristes représente une excellente nouvelle, « nous avons besoin d’eux pour travailler et donc pour vivre ».