La fin de l’état d’urgence en Espagne relance progressivement le tourisme. Si les voyageurs peuvent revenir, les perspectives de l’été sont incertaines pour de nombreux professionnels du secteur. Témoignages.
« Je ressens un léger soulagement depuis deux semaines, j’ai un peu d’espoir mais je ne me fais pas d’illusion » raconte Andreu Osó Ayete, qui a lancé son agence 8inSpain en 2013. Après plus de vingt ans d’expérience dans les agences de voyages, l’entrepreneur vit aujourd’hui une situation inédite. Son activité repose sur les tour-opérateurs des quatre coins du monde, allant de la France à la Chine. Il travaille directement avec eux et non les clients.
« À l’heure actuelle réserver un hôtel c’est facile, organiser un séjour avec une agence de voyage l’est moins. Nous sommes bloqués, nous attendons que les pays mettent l’Espagne sur une liste verte, sans imposer de quarantaine aux voyageurs » explique le professionnel. La mise en place du passeport sanitaire pourrait également faciliter les déplacements selon lui, « mais le temps que tous les pays soient d’accord au niveau international c’est une autre histoire. Le plus important pour nous, c’est que les touristes sachent que l’Espagne est une destination sûre » affirme Andreu Osó Ayete. N’ayant pas de coût fixe, son agence a pu survivre ces derniers mois grâce aux aides du gouvernement.
Malgré tout, le professionnel montre une pointe d’optimisme. Cette période fut l’occasion pour lui de se réinventer. « J’ai eu enfin le temps de prendre des cours de digital, travailler le référencement Google, traduire le site web en plusieurs langues, continuer à échanger avec les fournisseurs afin qu’ils ne nous oublient pas, et offrir plus de destinations » détaille-t-il. Outre l’Espagne, il propose désormais Andorre, Gibraltar, Portugal et bientôt la Catalogne du Nord en France.S’adapter à la situation, c’est également ce qu’a dû faire Pau Moncho. Depuis dix ans, le Catalan est guide touristique dans les monuments emblématiques de Barcelone, comme la Sagrada Familia ou le Parc Güell. « J’avais une bonne situation professionnelle et financière mais tout s’est arrêté d’un coup » confie-t-il. Pour rebondir, il a lancé en ce début d’année Passejant. Il propose des visites guidées aux habitants pour leur faire redécouvrir la ville et leur faire profiter d’une Barcelone paisible.
Séduire les touristes
Suite à ce nouveau virage, il aimerait « continuer à organiser des visites pour les locaux, tout en attirant les touristes français ». Pour cela, le secteur reste dans l’attente de savoir si les voyageurs viendront à Barcelone pour la fête ou la culture. « Ce n’est pas le même type de profil, il nous faut ceux intéressés par un produit de qualité ». Or selon lui, leur venue peut être freinée par les tarifs pratiqués à Barcelone.
« La Casa Batlló rouvre avec une expérience à 35 euros, pour la Sagrada Familia il fallait débourser plus de 20 euros pour une entrée, ce n’est pas à la portée de tous les touristes ni des Barcelonais. Ceux qui gèrent les monuments ne pensent pas au bien-être général de la ville ». Le guide touristique s’interroge donc sur le futur modèle de Barcelone, notamment face à l’expansion des expositions de 3D et réalité virtuelle. « Ça attire les yeux mais elles ne t’expliquent pas l’histoire en profondeur » se désole-t-il.
De son côté, Víctor F. de la Reguera joue la carte de l’activité en plein air. Depuis plusieurs années, Charters Bcn propose des sorties en catamaran pour admirer la capitale catalane depuis la mer Méditerranée. Si habituellement, la Semaine Sainte marque le coup d’envoi des réservations, les demandes sont plus rares ce printemps. Selon lui « les voyages s’organisent en last minute, nous n’avons pas de visibilité. Seuls les Français viennent en voiture, mais leur pouvoir d’achat est plus faible que ceux venant de la capitale ».
Il espère attirer les clients cherchant une animation à l’extérieur. « J’ai des clients qui n’avaient jamais pensé à faire une sortie en bateau avant la pandémie, maintenant ils se disent que c’est une bonne idée et qu’ils peuvent en profiter pour se réunir » en précisant que le cataraman est désormais limité à quinze personnes au lieu de trente, rendant l’expérience plus privée. « L’assouplissement des restrictions est plus qu’un soulagement, maintenant nous espérons que ça sera notre sauvetage » déclare-t-il avec optimisme.
Dimanche dernier, pas moins de 300 professionnels du tourisme, allant d’entrepreneurs à guides touristiques, en passant par des agences de voyage et logements, ont manifesté sur le Passeig de Gràcia. La principale association du secteur Coptur demande plus d’aides et ressources de la part du gouvernement pour voir la lumière au bout du tunnel.