C’est un constat facile à faire : dans les pharmacies barcelonaises, l’homéopathie coûte plus cher qu’en France. Cette médecine parallèle a d’ailleurs moins la cote en Espagne qu’en France, et il y a des raisons à cela.
Les Français et l’homéopathie entretiennent ce qu’on pourrait presque appeler une longue histoire d’amour. S’ils sont plus de 7 sur 10 à y avoir déjà eu recours (enquête IPSOS, 2018), cela ne date pas d’hier. « Il y a un véritable historique de cette médecine en France », affirme Marie-Christine Esteve, médecin et homéopathe à Barcelone. « Cela faisait au moins soixante ans qu’elle était remboursée par la Sécurité sociale française, et elle avait une bonne image. Il y a une vraie tradition familiale de l’homéopathie, en France. » La France est d’ailleurs le deuxième pays au monde où on l’utilise le plus, malgré le fait qu’elle ne soit plus remboursée par la Sécurité sociale depuis janvier.
Mais l’Espagne en est loin : seulement 3 Espagnols sur 10 ont déjà pris de l’homéopathie (Boiron, 2018). « Elle n’était pas autorisée sous la dictature de Franco, elle n’est pas remboursée par la Sécurité sociale espagnole et rarement par les mutuelles », justifie l’homéopathe. « Elle ne se développe que depuis trente ou quarante ans. » Mais elle remarque que, contrairement au reste de la péninsule, les Catalans se soignent un peu plus souvent à l’homéopathie. « C’est peut-être dû à la proximité avec la France, et au fait que les gens ici sont plus habitués aux médecines parallèles et aux mutuelles. »
En Espagne, une « guerre médiatique » contre l’homéopathie qui attise la méfiance
Si cette médecine douce a moins la cote en Espagne qu’en France depuis quelques années, Marie-Christine Esteve l’attribue à une « guerre médiatique payée par le gouvernement ». « Après un boom en Espagne entre 2000 et 2015, il y a eu une véritable cabale anti-homéopathie. Dans les médias, on disait que ça ne valait rien, que ce n’était que du sucre… Aujourd’hui, on est toujours dans ce courant. »
Car, en effet, le gouvernement Sánchez semble livrer une véritable bataille contre l’homéopathie, notamment avec un plan lancé en 2018 ayant pour objectif ultime d’expulser les « thérapies alternatives » des centres sanitaires et universitaires. Pour l’Académie royale de pharmacie, en 2017, « d’un point de vue scientifique il n’y a pas d’arguments qui soutiennent l’efficacité des médicaments homéopathiques et justifient son utilisation clinique » . Un décret oblige ces produits à prouver leur efficacité par des essais cliniques, et leur nombre vendus en pharmacie diminue. L’un des leaders du secteur, le laboratoire Boiron, a accusé une baisse de son chiffre d’affaires en Espagne de 31 % entre 2016 et 2020.
Même si cette « guerre » s’est élargie à l’Hexagone un peu plus tard, les Français restent attachés à cette médecine douce. « Les prix restent moins élevés en France qu’en Espagne, il est plus facile de se faire rembourser une consultation chez un médecin homéopathe, et il reste toujours la tradition familiale », note la spécialiste, installée à Barcelone depuis plus de trente ans.
La Covid-19 pourrait, cependant, donner un nouveau souffle aux médecines alternatives. Marie-Christine Esteve a d’ailleurs noté un boom des consultations, au début du confinement : « beaucoup de gens se sont tournés vers les médecines parallèles, comme l’homéopathie et les plantes, pour soigner les symptômes du coronavirus ».