L’Espagne était sur le point de ne pas pouvoir valider le décret permettant l’obtention des fonds européens. L’extrême droite espagnole a permis de débloquer la situation. Récit.
Semaine de crise cardiaque au parlement espagnol. Le gouvernement socialo-communiste devait approuver son décret pour obtenir le versement des fonds européens pour relancer le pays en pleine crise sanitaire, sociale et economique. Les socialistes et Podemos n’ont pas de majorité stable au parlement espagnol et gouvernent à vue avec différents partenaires au fil des semaines.
Le Non indépendantiste
Le gouvernement pensait pouvoir compter sur la dizaine de votes de la gauche indépendantiste (ERC), complice parlementaire du gouvernement depuis un an. Sauf qu’en pleine campagne électorale à Barcelone, l’indépendantiste Gabriel Rufián a publié mercredi soir un tweet qui prit la forme d’une guillotine pour le gouvernement : ERC votera non. Evidemment dans la foulée, les indépendantistes radicaux de Carles Puigdemont et même les souverainistes modérés du Parti Démocrate Catalan en feront de même. Le parachutage de l’ancien ministre socialiste de la Santé dans la course électorale catalane a déclenché un barrage de ses concurrents au parlement espagnol.
La mauvaise humeur de Ciudadanos
Paniqué, le gouvernement espagnol frappe à la porte de Ciudadanos. Le parti libéral, de mauvaise humeur, fait remarquer qu’on les sollicite pour sauver la situation à chaque fois qu’il y a un plantage des indépendantistes. Finalement, Ciudadanos votera aussi contre le décret au motif que le gouvernement refuse de créer un organisme indépendant supervisant la bonne gestion et veillant sur l’équitable répartition des fonds européens.
La pêche aux votes
Dans la plus grande panique, le secrétaire d’état aux relations avec le parlement et le secrétariat de Pedro Sánchez font appel à toutes les forces minoritaires pour gratter un vote. L’extrême gauche de Madrid votera favorablement en échange d’une vague promesse de réduire la journée de travail en Espagne. Les nationalistes basques, modérés et radicaux, acceptent de donner leurs votes, toujours soucieux de remplacer la Catalogne dans le cœur du gouvernement espagnol.
Mais avec l’annonce du vote négatif du principal parti d’opposition la droite du Partido Popular, le gouvernement espagnol, la mort dans l’âme voit le drame arriver : un rejet parlementaire du décret. Le drame politique pourrait conduire, comme en Italie, à une grande secousse gouvernementale. Pour obtenir les fonds européens, il faudra alors se résigner à attendre la mi-février pour republier un nouveau décret, une fois les élections catalanes passées et renégocier avec les indépendantistes catalans.
Le secours de l’extrême droite
Sauf que, miracle de dernière minute. Soucieux de satisfaire les commerçants et les entreprises qui attendent les fonds européens, l’extrême droite de Vox, le parti le plus anti-gouvernemental d’Espagne annonce un vote d’abstention qui permet d’adopter le décret et de sauver le parlement. Le temps d’un instant, mais un des plus importants de l’histoire économique du pays, l’extrême droite a pris la place de la droite classique parlementaire. Une révolution pour Vox qui estime à chaque déclaration publique – à la façon de Donald Trump- que Pedro Sánchez et ses ministres sont illégitimes.
Une victoire à la Pyrrhus pour le gouvernement le plus à gauche de l’histoire de l’Espagne, selon Pedro Sánchez. Il a dû remercier du bout des lèvres, tous les parlementaires qui ont permis l’adoption du décret.