Covid Barcelone. Depuis 1 an, les propriétaires des commerces de quartier ont la vie dure entre les nombreuses restrictions liées à la pandémie et le manque de touristes. À Barcelone, les boutiques de proximité sont-elles vouées à disparaître ?
En plein cœur de Barcelone, les petites échoppes sont nombreuses et participent au charme de la capitale catalane. Mais, à ce jour, leur futur est incertain. Déjà 35.000 petits commerces ont mis la clé sous la porte, estime Foment (organisation patronale catalan, équivalent du Medef en France), entraînant la perte de 100 000 emplois et une baisse de 6 % du PIB catalan en 2020. L’association Barcelona Commerç redoute même une fermeture supplémentaire de 20 % des commerces de quartier si la pandémie perdure. Face à ce bilan inquiétant, l’État et la mairie de Barcelone ont mis en place des aides pour soutenir ces commerces, qui vraisemblablement, peinent à assurer la survie des PME.
Une aide quasi-inexistante de l’État
« Depuis le mois de mars, je n’ai bénéficié d’aucune aide de l’État, déplore Céline Beloeil, gérante des boutiques de vêtements Soul Bcn moda alternativa. Et pour cause, aucun soutien n’est prévu pour ce type de PME alors que le gouvernement espagnol a mis en place un plan de sauvetage pour les hôtels, restaurants, bars et agences de voyage, particulièrement touchés par la crise, en débloquant un budget de 500 millions d’euros.
Soul Bcn moda alternativaLa Generalitat, quant à elle, a instauré une aide financière de 2.000 euros pour les travailleurs indépendants (autónomos ) en novembre 2020. Dès lors, plus de 116.000 auto-entrepreneurs l’ont sollicitée.
« Je n’ai pas reçu cette somme de 2.000 €, il y a tellement de critères pour espérer être éligible que cela restreint nos chances d’en bénéficier « confie Céline, qui vit à Barcelone depuis 30 ans. Effectivement, pour obtenir cette aide, les demandeurs ne doivent pas dépasser les 35.000 euros de base imposable lors de la dernière déclaration d’impôts. Il faut également avoir terminé les trois premiers trimestres de l’année 2020 avec une rémunération nette inférieure à 13.125 euros. Malgré une perte d’environ -80 % de son chiffre d’affaires annuel, la propriétaire de Soul BCN n’a pu percevoir cette aide.
Même problème pour Mélody, gérante de la boutique de mode Madame Melon située dans le très touristique quartier Gothique. Aucun soutien financier de l’État ou de la ville de Barcelone ne lui a été versé depuis le début de la crise alors que son chiffre d’affaire a baissé de moitié en l’espace d’un an.
Covid Barcelone : les quartiers touristiques plus touchés par la crise
Dans les zones touristiques de Barcelone, la clientèle de ces magasins repose principalement sur la présence de voyageurs. Avant la pandémie, les Barcelonais ne s’y rendaient que très rarement au profit des touristes. Désormais, une nouvelle clientèle voit le jour dans ces boutiques. « Le manque de touristes a évidemment eu une incidence sur mon chiffre d’affaires, affirme la parisienne d’origine Mélody, à Barcelone depuis 2018, mais, en même temps, des gens locaux ont découvert ma boutique. Ils profitent de ce calme pour se promener dans le quartier, habituellement, très fréquenté par les étrangers. »
Effectivement, les boutiques indépendantes du centre historique subissent davantage les conséquences de la crise :« Ici, les 3/4 des boutiques ont fermé car ils vivent du tourisme international. Nous avons une trésorerie limitée, loin des grandes marques comme Zara » s’indigne Céline.
Madame MelonA contrario, les quartiers moins prisés par les touristes s’en sortent mieux. Selon l’enquête menée par les membres de Barcelona Comerç, dans les quartiers non habitués à vivre du tourisme comme Poble Nou ou Sants-Les Corts, il y a moins de fermetures dans ces zones, voire des ouvertures de nouveaux commerces. À Sant Andreu, par exemple, sept nouveaux magasins ont ouvert au cours des quatre derniers mois comptabilise Barcelone Comerç.
Une période de fêtes plus que mitigée
Durant la période des fêtes, la mairie de Barcelone avait lancé une campagne pour inciter les Barcelonais à acheter local. Quel bilan pour les magasins ? Pour la trentenaire Melody, la période de Noël n’a pas amélioré sa situation :« Les clients se font toujours aussi rares » soupire-t-elle. L’indicateur de banque Sabadell, indique que les paiements réalisés par carte bleue à Barcelone durant la période des fêtes a baissé de 30% cette année par rapport à 2019.
Même si certains commerçants pensaient que la période de Noël allait être source d’espoir. Elle a finalement été très similaire au reste de l’année.
Même constat du côté des boutiques Soul BCN, » Il y a eu quelques achats en décembre mais rien d’excessif, constate Céline, Les restrictions de déplacement ont grandement limité les mouvements au sein même du pays et de la région. Désormais, un habitant de l’Hospitalet ne peut même plus venir dans ma boutique et en plus, on m’enlève le samedi. C’est un vrai coup dur pour moi. »
Un futur très incertain
À l’heure actuelle, difficile pour les gérants des petits commerces de se projeter, tant la pandémie est imprévisible. « Tous les mois je songe à fermer, confie la propriétaire de Soul BCN, je ne dors pas et je me dis que je ne vais jamais m’en sortir. »
Même état d’esprit pour Mélody : « Tout est incertain. Je voulais fermer il y a peu, mais j’ai finalement décidé de continuer alors j’ai enlevé mon panneau de liquidation. Ma propriétaire a baissé mon loyer, cela m’aide. Donc, pour l’instant je reste et j’essaie de tenir… Mais, s’interroge-t-elle, jusqu’à quand ? »