Covid : vers une Barcelone « low-cost » ?

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En ces temps de crise sanitaire, le modèle économique « low-cost » sur lequel repose l’Espagne pourrait en ressortir grandi. La capitale catalane se dirige-t-elle vers ce type de modèle économique à bas coût ? 

« L’Espagne est un pays accro au modèle low-cost » analyse Josep Oliver, professeur émérite d’économie appliquée. Et pour cause, il est banal de voir de longues files d’attente à El Pertús, à La Junquera et dans d’autres villes transfrontalières catalanes ou basques. Pour quelles raisons ? La péninsule ibérique présente une TVA de 10 % (en taux réduit), bien inférieure à la moyenne européenne, 21 %.

Par exemple, le prix du paquet de cigarette en France s’élève à 10 € tandis qu’en Espagne, le consommateur dépensera la moitié, soit 5 €. Cette illustration montre que l’Espagne risquerait de s’enfoncer dans un modèle dit « low-cost », pour sortir de la crise provoquée par la Covid-19. À Barcelone, le secteur des services, profondément touché par la crise, risque de subir et d’adopter ce modèle bon marché.

Vers un tourisme low-cost ?

Pour pallier le manque de touristes, les acteurs du secteur comptent-ils brader leurs services ? À ce jour, la majorité des hôtels de Barcelone est fermée, mais les rares qui restent ouverts redoublent de créativité pour attirer de nouveaux types de clients et compenser la chute du nombre de visiteurs étrangers des derniers mois.

Certains adaptent leurs installations au télétravail, d’autres offrent des séjours longue durée ou des week-ends à prix cassés afin de rivaliser avec le marché de la location traditionnelle, d’autres encore proposent des expériences de luxe aux résidents qui, privés de voyage, peuvent jouer aux touristes dans leur propre ville, toujours à tarifs réduits. C’est le cas de l’hôtel 4 étoiles Porta Fira de Barcelone. L’hôtel a lancé une campagne invitant les Barcelonais à redécouvrir leur propre ville, en séjournant dans leur hôtel de luxe.

À ce rythme, la crise sanitaire va faire émerger de façon accélérée l’hôtel de demain avec des installations nouvelles et une clientèle différentes.

Fin du tourisme de luxe ?

Le gel du trafic aérien et le confinement ont logiquement entraîné une importante baisse du tourisme. En plus de mettre à mal l’hôtellerie, la restauration et les loisirs, le manque de voyageurs a fragilisé le secteur du luxe. En effet, à Passeig de Grácia, par exemple, 75 % du chiffre d’affaires des boutiques de luxe repose sur un « tourisme de haut standing » estime l’Association Nationales du Commerce Textile (ACOTEX). Les principaux clients des enseignes de luxe viennent des pays asiatiques comme la Chine, du Moyen-Orient ou encore de la Russie. Privées de cette clientèle, les grandes enseignes voient leurs chiffres s’effondrer. Toujours selon les estimations d’ACOTEX, l’industrie de la haute couture et le secteur de la joaillerie ont perdu environ 70 % de leur recette annuelle par rapport à 2019.   CHANEL

Les compagnies aériennes low-cost ont le vent en poupe

Les compagnies traditionnelles seraient plus que jamais menacées par leurs concurrentes low cost d’après un rapport publié par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) et le cabinet Roland Berger, en mai 2020, qui imagine l’avenir de l’aérien post-Covid-19. Le nombre de faillites de compagnies aériennes pourrait donc s’accélérer, tout comme les rachats, redessinant la carte européenne des transporteurs.

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Pour les auteurs du rapport, Emmanuel Combe et Didier Bréchemier, « les géants du low cost vont renforcer leur avance à l’issue de la crise ». A court terme, l’après Covid-19 serait favorable aux transporteurs à bas coût : « si c’est le réseau européen qui repart le premier, les compagnies historiques vont souffrir sur leur réseau le plus rentable, à savoir le long-courrier, et vont devoir se battre sur le marché européen face à des opérateurs low cost très compétitifs », soulignent les auteurs. Mais pour ces derniers c’est bien sur le moyen terme, voire au-delà, que l’équilibre des forces serait défavorable aux acteurs historiques. Ceci s’expliquerait surtout par la menace qui guetterait les compagnies traditionnelles sur leurs places fortes : les hubs, pivots de leur stratégie.

Par ailleurs, l’économiste catalan Oriol Amat se veut optimiste : « Là encore, la crise qu’est en train de traverser le secteur aérien est temporaire, quand la pandémie sera terminée, les grandes compagnies devraient pouvoir s’en sortir, d’autant plus que l’Union Européenne envisage d’aider ce secteur. » 

« Trois à quatre ans pour se relancer »

« Le défi est de ne pas se vendre comme une destination low-cost », avertit Oriol Amat, « il faut justement investir pour augmenter la qualité du tourisme et profiter des fonds européens pour défendre la valeur ajoutée, l’innovation et la qualité des produits. » Selon l’expert, le secteur du service, durement touché par la crise, mettra environ 3 à 4 ans pour se relancer et retrouver une rentabilité d’avant Covid-19. « Je pense que le modèle low-cost n’est pas l’avenir, poursuit-il, notamment dans les services, secteur sur lequel repose une grande partie du PIB espagnol. »

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