La crise sanitaire a bouleversé bon nombre de secteurs d’activités et tire vers le bas les salaires des personnes actives. Quelle est la situation en Espagne ? La France s’en sort-elle mieux ? Réponses.
En plus de fragiliser la santé des individus, la pandémie fragilise aussi leur porte-monnaie. D’après le rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), la masse salariale espagnole a chuté de 12,7 % au cours du second trimestre 2020. Cette baisse place la péninsule ibérique parmi les pays européens les plus touchés par cette diminution de la masse salariale. En France, le rapport indique une chute de 6,5 % entre le premier et deuxième trimestre s’il n’y avait pas eu de versement de subventions salariales.
L’OIT constate que « les salaires mensuels ont baissé ou ont progressé de manière plus lente au premier semestre 2020 en raison de la pandémie de Covid-19 dans deux tiers des pays pour lesquels des chiffres officiels ont été communiqués ». A brève échéance, ajoute l’organisation, la crise devrait même exercer une pression à la baisse sur les niveaux de rémunération. Cependant, Josep Miró Roig, économiste catalan, précise : » En Espagne, le secteur privé est beaucoup plus touché par cette baisse des salaires, tandis que dans le secteur public, les employés ont vu leurs revenus augmenter. » Effectivement, le Parlement espagnol avait prévu dans le budget 2020 une augmentation salariale de 2 à 3 % dans le secteur public. Cette revalorisation concerne 3 millions d’Espagnols.
L’Espagne, l’un des pays européens les plus touchés par la crise
La péninsule ibérique observe une chute du PIB de -11 % en 2020. En France, cette baisse est estimée à 8,7 %. Pourquoi la crise économique affecte plus l’Espagne que la France ? L’économie espagnole repose avant tout sur le secteur tertiaire, c’est-à-dire les services qui regroupent l’hôtellerie, la restauration, les loisirs, etc. Or, la pandémie et les confinements ont mis à l’arrêt toutes les entreprises du secteur et ont freiné le tourisme, l’un des moteurs économiques du pays. Du côté de la France, de l’Allemagne, et même de l’Italie, la baisse du PIB est moins importante. « Ces pays sont un peu plus industriels et repose moins sur le secteur tertiaire que l’Espagne » analyse Josep Miró Roig.
Cet arrêt brutal des activités a fait basculer des millions d’Espagnols dans le chômage. Déjà élevé au premier trimestre 2020 (14,4 %), le chiffre a nettement grimpé pour atteindre, à l’issue du premier semestre de l’année, 15,3 %. Aujourd’hui, le nombre de chômeurs s’élève à 3 368 000. Si c’est 0,92 % de plus que lors du premier trimestre, c’est une augmentation de 1,30 % par rapport au deuxième trimestre de 2019. De l’autre côté des Pyrénées, le nombre de chômeurs s’élève à 2,7 millions. En un an, le taux de chômage français, mesuré selon les normes du Bureau International du Travail (BIT), est en hausse de 0,6 point.
Selon les prévisions espagnoles, le nombre de chômeurs augmenterait d’un million si la crise sanitaire perdure.
Les petits salaires et les femmes actives plus touchés par la crise
La crise a aussi touché de manière « disproportionnée » les travailleurs faiblement rémunérés, en aggravant les inégalités salariales, indique l’OIT. Dans certains pays européens, « sans les subventions salariales, la moitié des travailleurs les moins bien rémunérés auraient perdu environ 17,3 % de leur salaire » contre 6,5 % pour l’ensemble des travailleurs.
Autre observation, les femmes sont celles qui souffrent le plus de la pandémie. En Espagne, elles auraient perdu 14,9 % de leur salaire au deuxième trimestre 2020, contre un recul de 11,3 % pour les hommes. Même constat en France, l’OIT note une baisse salariale de 8,1 % pour les femmes, et 5,4 % pour les hommes, un écart qui est « surtout la conséquence de la réduction des heures travaillées » souligne le rapport de l’organisation.
« L’accroissement des inégalités entraîné par la crise du Covid-19 menace de laisser derrière elle de la pauvreté ainsi qu’une instabilité sociale et économique, ce qui serait désastreux », avertit le directeur général de l’OIT, Guy Ryder. « Si nous voulons vraiment reconstruire un avenir meilleur, nous devons aussi nous emparer de questions gênantes comme, par exemple, le fait de savoir pourquoi des métiers ayant une valeur sociale élevée, à l’image de ceux des soignants et des enseignants, sont très souvent mal payés », dit-il.
Préserver le marché du travail
Depuis le confinement du printemps dernier, l’Espagne a mis en place des aides pour freiner l’augmentation de la précarité avec la mise en place du ERTE, qui est prolongé chaque mois et des aides pour les autónomos (auto-entrepreneur). En France, le recours au chômage partiel a été massif au printemps, permettant de sauvegarder l’emploi et d’assurer 84 % de la rémunération nette du salarié (100 % au SMIC).
Dans un entretien accordé à El Periódico, Pedro Sánchez explique que l’État veille à garantir la solvabilité des entreprises. Pour cela, le gouvernement révise les nouvelles lignes de l’ICO (Institut du Crédit Officiel espagnol), notamment à travers le plan HORECA (hôtels, restaurants et cafétérias). Ce plan vise à aider en particuliers les entreprises de proximité et du secteur tertiaire, très touchées par la crise.
Selon Pedro Sánchez, l’État envisage de compléter financièrement toutes les actions menées à la fois par les municipalités et les communautés autonomes pour la défense de ces secteurs.
Toujours selon le chef du gouvernement, la pandémie a permis à l’État d’anticiper l’avenir. L’aide financière de la Banque centrale européenne (BCE), de 250 000 millions d’euros, versée à l’Espagne « lancera le plan de restructuration du pays notamment à travers la création d’emplois », promet Pedro Sánchez.