18 octobre 2019. Le jour où l’indépendantisme catalan a perdu son pacifisme pour sombrer dans une violence que Barcelone n’avait pas connu depuis 80 ans. Retour sur une journée historique.
Jusqu’à ce moment, les indépendantistes jouissaient d’un statut envieux : le mouvement social le plus pacifiste d’Europe. « des millions de personnes dans la rue sans une poubelle renversée, ni une vitre brisée » se plaisait à répéter chaque année, le président Artur Mas pour saluer les marches indépendantistes lors des fêtes nationales du 11 septembre.
Le vendredi 18 octobre basculement. Quelques jours auparavant, la justice espagnole a livré son verdict dans l’affaire de la déclaration d’indépendance : neuf leaders indépendantistes, les ministres du gouvernement Puigdemont, l’ancienne présidente du parlement catalan et deux activistes associatifs sont condamnés à un total de cent ans de prison.
Une semaine d’émeutes à Barcelone
Furieux, les militants indépendantistes bloquent l’aéroport. Les nuits de la semaine sont illuminées par des barricades en feux et des affrontements sporadiques avec les forces de l’ordre. Le vendredi sera la grande purge independantiste contre la police.
Profitant d’une manifestation monstre et pacifique dans toute la ville, un important groupe d’exaltés va attaquer le commissariat de police espagnol situé au numéro 43 de la Via Laietana. Le lieu, chargé de mémoire historique va devenir l’épicentre des émeutes. De 1943 jusqu’en 1975, le bâtiment abritait le siège de la Brigade Politico-sociale de la police franquiste. C’est ici qu’avaient lieu les gardes à vue, interrogatoires et tortures. Dans les bureaux ou dans les geôles de la bâtisse. Des milliers de détenus sont entrés dans le commissariat franquiste de Vía Laietana, d’où sont sortis des centaines de témoignages sur la torture pratiquée.
Aujourd’hui le commissariat est la principale représentation de la police démocratique nationale. Le poids historique du lieu, la présence de la police espagnole considérée comme une force d’occupation et la sentence contre les leaders indépendantiste, accoucheront de la bataille d’Urquinaona.
5.000 jeunes surexcités attaqueront la police sans répit de 18h à minuit sur une place défigurée. Charges, tirs de flashball jusqu’à épuisement des stocks, les forces de l’ordre ne viendront à bout des émeutiers qu’en envoyant le camion canon à eau des Mossos d’Esquadra. Il n’avait jamais été utilisé depuis la fin de la dictature en 1975.
Les protestations se sont déplacées dans le centre de Barcelone jusqu’au lendemain soir. Des emeutes qui ont fini en pillages.
Iván Álvarez a vu sa vie changer depuis ce 18 octobre. Ce policier national venu de Galice pour prêter renfort, dans le cadre de l’opération Copernic, repartira de Barcelone en hélicoptère militaire. Après avoir reçu une pierre sur la tête, probablement lancé depuis un balcon cet agent souffre aujourd’hui de problèmes oculaires.
Placé en soins intensifs à l’hôpital Sant Pau jusqu’au 31 octobre, le policier a ensuite été transféré à Cunqueiro de Vigo. Toujours en réanimation pendant 96 heures, il a pu retrouver peu à peu l’usage de la parole et quitter l’hôpital. Pour entreprendre un long chemin de rééducation et de nombreuses consultations avec son neurochirurgien et son neurologue.
Suite à la bataille d’Uquinaona, plus d’une centaine de personnes finiront en garde à vue et ensuite en prison. Des indépendantistes catalans bien sûr, mais pas que. De nombreux agitateurs venus des quatres coins de l’Europe ont participé cette nuit là à la casse de la Catalogne.
Le gouvernement indépendantiste présidé par Quim Torra n’a jamais souhaité condamner moralement les émeutiers.