Le docteur Joan Cayla a dirigé pendant 23 ans le service épidémiologique de l’agence de la santé publique de Barcelone. L’épidémiologiste confie à Equinox son analyse de la situation actuelle et des prévisions pour les mois à venir.
Comment analysez-vous la situation actuelle en Espagne ?
Nous sommes dans un moment critique, avec des chiffres d’incidence très élevés qui arrivent en même temps que la rentrée scolaire. Si nous ne diminuons pas le taux d’incidence nous aurons une année scolaire très compliquée. Il faut suivre les règles sanitaires que tout le monde connaît, et il faut que les personnes diagnostiquées positives respectent la quarantaine qui leur est imposée.
A part les Asturies, toutes les régions d’Espagne sont touchées. Madrid en tête. La situation en France est d’ailleurs la même. Le relâchement des comportements a provoqué un retour du virus, même si le taux d’incidence en France n’est qu’à la moitié de celui l’Espagne.
Y a-t-il un risque de confinement ?
Si tout le monde respecte les règles et recommandations et que le système sanitaire agit de manière stricte, il n’y a pas de raison de revenir à un confinement. La seconde vague sera sous contrôle. Dans le cas inverse, malheureusement il faudra confiner les populations dans un premier temps de manière géographiquement localisée.
Ce sont les indicateurs épidémiologiques qui rendront obligatoire un confinement. Si la pandémie sature le système hospitalier et les soins intensifs, les indicateurs seront alors très mauvais.
La situation peut s’aggraver ou à l’inverse être sous contrôle très rapidement. Tout dépend exclusivement de nos comportements.
Peut-on préparer ses vacances de Noël ?
Les fêtes de Noël sont très proches. En hiver le problème que nous allons avoir est un mélange des symptômes de la grippe et du Covid. Même si avec les masques et la distanciation sociale il y aura moins de cas de grippe cette année. Mais les personnes à risque et les personnes âgées devront se faire vacciner de la grippe plus que jamais.
Concernant les vacances de Noël, je recommanderais à titre personnel de les organiser, mais en gardant à l’esprit que ce n’est qu’un plan A. Mais, il faut penser cette année à un plan B au cas où surgiraient des problèmes.
Les gouvernements peuvent-ils à nouveau fermer la frontière entre la France et l’Espagne ?
Nous sommes dans la seconde vague en Espagne et en France. Nous ouvrons les écoles en France et en Espagne, ce qui peut créer des nouveaux foyers de contagions. Si le taux d’incidence reste élevé, il faudra limiter ses déplacements d’un pays à l’autre en automne et en hiver. Surtout entre la France et l’Espagne qui sont deux pays très impactés par l’épidémie.
Il faut par ailleurs limiter ses déplacements entre les différentes régions d’Espagne.
Le gouvernement espagnol annonce le début d’une campagne de la vaccination au premier trimestre de l’année 2021. Est-ce une date raisonnable ?
Le stade 3 des vaccins en cours n’a pas encore commencé. Il s’agit de tester à grande échelle le vaccin sur des personnes volontaires. C’est alors que l’on pourra constater si les vaccins fonctionnent ou non, et quels sont les effets secondaires.
Ce n’est pas exclu que le vaccin sorte à la fin 2020 ou début 2021, mais les quantités ne seront pas suffisamment disponibles pour vacciner toute la population.
Qui sera vacciné en premier ?
Les personnes prioritaires devraient être le personnel soignant pour éviter les arrêts maladies pendant la pandémie. Ensuite les personnes très âgées, premières victimes du Covid.
Une fois que nous aurons le vaccin, combien de temps sera nécessaire pour lever toutes les restrictions et un retour total à la normalité ?
Si le vaccin est généralisé, il sera possible de lever les restrictions. Si par exemple en Espagne on pouvait vacciner des millions de personnes en une semaine, le retour à la normalité se ferait à court terme. Mais nous n’aurons pas des millions de doses de vaccin. Le scénario le plus probable sera une campagne de vaccination en 2021 avec un pourcentage de personnes assez élevé, mais qui devra être complété en 2022 avec le reste de la population.
Les personnes niant l’importance de la pandémie ou les mouvements anti-vaccins peuvent-ils ralentir la vaccination ?
Je ne connais pas de révisionniste à titre personnel. Je note que ce sont surtout les médias qui leur donnent la parole. Ils ne ralentiront pas la campagne de vaccination, car comme je l’ai dit, il n’y aura pas assez de doses pour tout le monde. Si ces personnes ne se font pas vacciner, elles auront le choix de le faire.
Le vaccin pourrait-il devenir obligatoire dans certains cas, comme par exemple pour voyager d’un pays à l’autre ?
L’Organisation Mondiale de la Santé fera probablement des recommandations et chaque pays prendra ses propres décisions. Aujourd’hui pour entrer dans certains pays il faut faire un test PCR, on peut imaginer que l’entrée sera aussi réservée aux personnes vaccinées comme c’est le cas pour la fièvre jaune.