Covid Espagne. La théorie du complot contre le coronavirus fait rage sur les réseaux sociaux. Une tendance qui continuera à la hausse durant les prochains mois.
« Le masque est une muselière; le gouvernement met en place une dictature; le coronavirus ne se propage plus à Barcelone; ne soyez pas des moutons ». Ce type de messages sont répétés à satiété et inondent les réseaux sociaux depuis des semaines.
Nous ne sommes qu’au début du phénomène selon le sociologue Alejandro Romero Reche. « C’est globalement le mouvement anti-vaccin qui se mobilise le plus » confie le chercheur à Equinox. La campagne de dénonciation d’un supposé complot ira en progression au fur et à mesure que l’Espagne sera sur le point d’obtenir le vaccin. La première campagne de vaccination pourrait commencer au premier trimestre 2021 avec le personnel soignant et les personnes âgées ou à risque a annoncé cette semaine le ministre de la Santé Salvador Illa.
Covid Espagne : les complotistes sont des personnes très éduquées
Loin des clichés, Alejandro Romero dresse un portrait robot de l’adepte de la théorie révisionniste anti-Covid. « Des personnes généralement très éduquées avec un assez haut niveau d’étude, des gens qui se documentent beaucoup, qui lisent énormément et qui souvent veulent tout savoir » révèle le chercheur.
Dans une crise aussi singulière, beaucoup de questions restent forcément sans réponse. Autant la science, que la médecine ou les responsables politiques avancent à tâtons face à un virus que personne ne connaissait il y a un an. Dès qu’il n’y a pas une réponse tout de suite, le complotiste estime « qu’on lui cache quelque chose et qu’on cherche à le manipuler » analyse Romero.
Le manque de confiance envers les institutions, qu’elles soient politiques ou médiatiques, va pousser ces personnes vers des sources non officielles et non vérifiées. Des faits sont ainsi grossis et d’autres minorés. Par exemple, les hésitations gouvernementales et sanitaires face au port du masque, lors des premières semaines du confinement, boostent les thèses complotistes.
Amalgame des extrêmes
Alejandro Romero est surpris de l’amalgame politique que crée la campagne négationniste. « Le conspirationnisme touche tout le spectre politique, même si on le retrouve souvent chez les personnes situé dans les extrêmes » rappelle le sociologue. Le thème sanitaire s’invite fréquemment dans les discussions sur les groupes proches de Donald Trump aux USA, du Brexit en Angleterre ou des Gilets Jaunes en France.
« En Espagne continue le sociologue alors que le révisionnisme du Covid prend racine dans les milieux écologistes et des médecines naturelles alternatives situées généralement à l’extrême gauche, on voit également beaucoup de gens proches de la droite radicale se joindre au mouvement. »
Ce rapprochement des extrêmes a accouché de la première manifestation anti-masques la semaine dernière à Madrid. Une initiative de Fernando Luis Vizcaíno qui se présente comme un professeur de yoga, écrivain, psychothérapeute, psychologue et astro-psychologue, ainsi que de Ricardo Delgado Martín spécialiste fitness. L’extrême droite a soutenu le rassemblement en la personne de Carlos Garcés, ancien leader de Vox en Catalogne.
Selon le chercheur, il est impossible de connaître le ratio de la population espagnole qui adhère aux théories du révisionnisme sanitaire. « Pour qu’un grand nombre de personnes donne foi dans une rumeur, il faut qu’elle soit consensuelle » explique Alejandro Romero. « Le complot contre les juifs qui dirigeraient la société ne touche que 10% de la population , tandis que la rumeur de la fausse mort de Lady Di monte à 30% » note le sociologue citant une enquête effectuée dans le sud de l’Espagne, en Andalousie.
Un mouvement dangereux
Alejandro Romero estime que le mouvement anti-Covid présente un danger. « Lorsque des rassemblements de protestation sont organisés dans la rue, 2.500 personnes à Madrid la semaine dernière, il n’y a forcement aucune mesure de sécurité, ni gestes barrières. Ce genre de manifestation propage le virus » rappelle le sociologue. Dans la capitale espagnole, un des participants a d’ailleurs fini hospitalisé après avoir contracté le Covid.
Un comportement de quelques-uns, au détriment du reste de la société qui souhaite une politique de protection active face au virus.