Mis en place en catastrophe dès la déclaration d’état d’urgence le 14 mars dernier, le télétravail se prolonge dans de nombreuses entreprises espagnoles, tandis que le gouvernement prépare une loi pour l’encadrer. Mais du côté des employés, la pression monte.
Prendre un verre en bord de plage avec ses collègues, faire fuser des idées lors d’un brainstorming ou raconter son week-end à Sitges devant la machine à café. Autant de traditions qui ont disparu avec le télétravail, nouvelle norme à Barcelone et en Espagne. Il en résulte, selon les médecins, un surcroît de stress, d’insomnies et de prises de calmants. Selon une étude médicale publiée le 1er juillet, 45% des salariés se déclarent être « sous haute pression ». L’incertitude de garder son emploi et les difficultés économiques expliquent ce chiffre élevé. Et sorti de son équipe, on doit faire face seul à ses difficultés.
Dans une enquête de l’agence d’intérim Randstad, les Espagnols valorisent à 70% l’importance d’avoir « de bonnes relations » sur le lieu de travail. Une gageure avec la distance.« Passé la première semaine où le vidéocall c’est marrant, quand la routine s’installe, il y a moins de fluidité dans les échange entre membres de l’équipe et les incompréhensions arrivent plus vite » analyse Pierre, ce Français qui travaille dans la finance, désormais depuis son appartement dans le quartier du Born de Barcelone.
La société Bizneo HR a révélé que l’amitié au travail augmente jusqu’à sept fois la productivité des salariés, et aide 45% d’entre eux à être plus motivés et plus heureux. Pour garder une bonne ambiance, le virtuel possède des frontières souvent infranchissables. « On a fait des activités classiques comme le quizz du vendredi après-midi pour essayer de faire connecter tout le monde mais sur le long terme, le challenge est compliqué » soupire notre manager français.
Poser des limites
Les employés indiquent aussi dans leur grande majorité travailler davantage depuis qu’ils le font depuis leur domicile. Porosité de la vie professionnelle et personnelle, horaires flous et une accessibilité facilitée au poste de travail sont autant d’obstacles pour poser des limites claires.
Alors pour que la gestion du stress ne s’imbrique pas dans les murs des appartements, le défi est de taille. Pour Caroline Gourdier, psychologue française à Barcelone, « il est très important de se créer un coin bureau à la maison, préférablement dans le salon si l’on ne dispose pas d’une pièce à part. Il faut surtout éviter la chambre car c’est provoquer une insomnie par association d’idées. On ne peut plus déconnecter de son travail car la chambre est l’espace de repos et de déconnexion par excellence ».
Alors que le marché locatif s’effondre, les agences immobilières de Barcelone indiquent observer une très forte demande pour les appartements-terrasses. Travailler à l’air libre semble être l’une des solutions que les Barcelonais expérimentent. En espérant que l’hiver soit doux.