Pour ou contre les voitures à Barcelone ? Comme à Paris, le débat fait rage entre la mairie et les secteurs commerçants.
Ada Colau à Barcelone et Anne Hidalgo à Paris sont des sœurs jumelles politiques. Elles le savent et aiment la comparaison. L’une s’inspire de l’autre constamment depuis 2015. Elles s’affichent ensemble, se soutiennent à chaque campagne électorale et félicitent à chaque scrutin la victoire de la comparse. Les débats sociétaux, le droit des minorités et les politiques vertes sont leurs chevaux de bataille.
Colau et Hidalgo profitent du déconfinement pour booster leurs politiques environnementales. Particulièrement en créant de nouvelles pistes cyclables dans leurs villes respectives. Au détriment assumé des voitures. Les travaux d’aménagement de ces couloirs se font de nuit dans les deux villes, provoquant au petit jour la fureur des opposants découvrant par surprise les nouveaux tracés.
A Paris, la droite attaque avec virulence Hidalgo pour sa politique visant à désengorger les voitures de la capitale. « Les enfants ou les parents âgés, vous les mettez où? Sur les trottinettes? Vous faites des courses, vous les mettez où? Sur votre tête? Et après sur le vélo? Il faut être un peu cohérent » s’est exclamée au journal Le Parisien la cheffe des Républicains Rachida Dati pendant la récente campagne électorale.
Besoin de pistes cyclables à Barcelone
Au-delà des idéologies de chacun, à Barcelone, la mairie répond à un besoin. Le nombre d’abonnés au Bicing est en hausse permanente. Depuis la réactivation du service début juin, interrompu par la pandémie, 6188 utilisateurs se sont abonnés au Bicing10, portant le nombre total d’abonnés au 1er juin à 118.935 utilisateurs.
Cependant ce chiffre reste ridicule si on le compare aux véhicules à moteur qui transitent chaque jour dans les rues de la ville. Selon une étude de la mairie, 590.000 voitures, 230.000 motos, 56.000 cyclomoteurs, 47.000 camionnettes et 20.000 camions circulent quotidiennement dans la ville. La hausse du nombre de nouveaux usagers du Bicing correspond à la baisse des utilisateurs du métro, effrayés par la pandémie.
Les commerçants en embuscade
Pour autant que la ville reste saturée de véhicules à moteur, les associations de commerçant de l’hyper-centre trouvent qu’il n’y a pas assez de pots d’échappements. Le syndicat patronal, Foment del Treball, lors d’une table ronde organisée cette semaine a permis aux entrepreneurs de déverser leur colère contre les mesures écologiques. « Faites la paix, arrêtez le sectarisme » ont clamé en cœur les commerçants à destination d’Ada Colau.
Dans le viseur, la fermeture aux voitures de la Via Laietana les week-ends de mai et juin. Un empêchement de circuler qui aurait provoquer la ruine de la Carrer Ferran et de ses rues adjacentes du Gotic selon les commerçants. Ces derniers expliquent que 60% de leur clientèle n’est pas de Barcelone et provient de la petite couronne de la capitale catalane. L’argument peut sembler singulier au vu du nombre de restaurants, bars et boutiques destinés exclusivement aux touristes de ce quartier, qui effectivement se font rares à Barcelone. Les commerçant jouent la corde sensible et accusent la Mairie de mener une chasse à la voiture qui pourrait coûter 50.000 emplois.
Piétonniser favorise le commerce
Janet Sanz, bras droit de Colau en charge de l’urbanisme, a une lecture totalement inversée. L’adjointe est allée chercher dans les archives de la mairie le débat sur la piétonnisation du Portal de l’Angel. Il fallut 20 ans pour rendre ce coin aujourd’hui paisible pour les piétons et mine d’or pour les commerçants. De 1975 à 1995, la piétonnisation fut épisodique, comme par exemple pendant les vacances de Noël. Les commerçant furieux ont tout fait pour bloquer le projet. Au final, le maire socialiste Pasqual Maragall a imposé la mesure au début de son mandat en 1995. Le Portal de l’Angel est devenu aujourd’hui l’une des principales artères commerciales de Barcelone.
Le bilan d’Ada Colau n’est pour autant pas brillant. Barcelone continue de dépasser quotidiennement les limites de pollutions sonores et environnementales édictées par l’Union Européenne.