La chronique littéraire de juin par la librairie française de Barcelone

Tous les premiers mercredis du mois, la librairie française Jaimes nous recommande les dernières nouveautés littéraires sous la plume du libraire Christian Vigne.

Parlons livres de cuisine, m’étais-je dit. On sait bien pourtant quelle désespérance nous enlace lorsque constatant les résultats opérés par nos petites mains précautionneuses nous constatons l’écart tragique entre les photos de pareils ouvrages et l’outrageante réalité de notre production. Ainsi la terrine de saumon aux gambas proposée par Hachette dans ces admirables opuscules intitulés « Fait maison » s’est-elle convertie en une sorte de pavé dont l’usage en période révolutionnaire de type mai 68 m’aurait sans doute conduit au placard pour détention d’objet contondant à visée criminelle quand bien même eussé-je tenté de convaincre un juge qu’il se fût agi d’une attention pour mémé (mon Dieu que ces phrases sont longues.). Et aussi cette manie d’exprimer la quantité de crème fraîche selon les humeurs en ML ou en CL parfois en grammes est désarçonnante et m’a sûrement induit dans la gourance au moment de ces savants calculs.

20200603140059 IMG 3542Ce handicap insurmontable remontant à l’enfance m’a rendu terriblement sympathique le petit Gustave d’Aurélie Valognes, « Né sous une bonne étoile », ed.Mazarine. Voilà un cancre dans toute sa splendeur, collé au radiateur, observant les oiseaux par la fenêtre, mais qui bosse. Ah on ne pourra pas dire qu’il ne passe du temps sur ses devoirs mais, rien à faire, ça ne rentre pas, ça ne veut pas rentrer. Il y a dans l’histoire une pimbêche, genre Nelly Oleson, première de la classe, donneuse de leçons (voir la petite maison dans la prairie pour plus de détails) qui se trouve être sa sœur et qui en rajoute des tonnes sur ce pauvre Gustave qui, tout petit, s’apprête, fatalitas, à rater sa vie. Mais c’est compter sans un sauveur…

Ainsi donc ai-je renoncé à jouer l’Actors Studio de la popotte et me suis-je intéressé à ce livre de Sylvain Prudhomme, « Par les routes », ed. Gallimard.

Voyez donc. Le narrateur retrouve l’auto-stoppeur qu’il a connu des années auparavant dans l’exercice de ce qu’il faut bien considérer être une addiction. Le voilà pourtant et désormais installé, pavillon, barbecue, femme et enfant. Est-ce la vision du premier qui donne au second l’envie de relever le pouce par les routes et d’ailleurs pourquoi faire ? Pourquoi quitter ce et ceux qu’il aime pour des fugues à première vue sans but ? L’auto-stoppeur part de plus en plus souvent mais le premier reste, s’infiltre sans qu’il l’ait décidé, c’est comme ça, c’est venu tout seul, dans ce que l’autre laisse de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps. Il lui faudra bien se rappeler pourquoi, des années auparavant il lui avait demandé de sortir de sa vie.

En outre

Nous avons rouvert la librairie, sortant lentement d’une relative paralysie. Nous vous retrouvons peu à peu. Est même venue la semaine dernière cette cliente très habituelle à qui j’indique toujours les livres que je n’ai pas aimés et qu’elle s’empresse d’acheter parce qu’il nous avait bien fallu constater que, en matière de littérature, tout nous opposait à part l’envie de lire et d’échanger des idées.

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