Pere Godoy est le président de la Société Espagnole d’epidémiologie. Egalement professeur à l’Université de Lleida et responsable du comité d’experts des vaccins du gouvernement de Catalogne, le médecin analyse le déconfinement de Barcelone.
Les chiffres de contagions et de décès sont en forte baisse en Espagne depuis une dizaine de jours. Peut-on dire que le virus ne circule plus?
Absolument pas. Le Covid19 circule moins, mais il faut que la population soit consciente qu’il est toujours présent. C’est grâce aux mesures que la société a prise que la circulation du coronavirus a baissé. Les grands rassemblements du mois de mars ont provoqué une propagation extrêmement rapide. Aujourd’hui avec les gestes barrières, il circule moins. Mais si de nouveau on crée de grandes concentrations de personnes, le virus profitera de la situation car il est toujours présent. On a vu des rechutes en Corée ou en Allemagne. Nous ne devons pas nous relâcher avec l’arrivée des beaux jours.
Quand le ministère de la Santé annonce 50 contagions sur une journée, cela vous parait beaucoup ? La situation parait être sous contrôle.
Ce sont une cinquantaine de cas qui ont été détectés par les services sanitaires, ce ne sont pas toutes les contagions qui ont lieu dans le pays. Ces 50 cas ne sont pas représentatifs de la contagion communautaire en Espagne. Ce n’est pas raisonnable de le croire.
Il ne faut donc pas accélérer le déconfinement ?
Il faut être prudent. Si l’on prend la décision de relâcher certaines mesures de restriction, il faut être vigilant et extrêmement réactif sur les possibles nouveaux foyers de contaminations. Il faut insister auprès de la population sur l’importance de continuer d’appliquer les gestes barrières. Il est difficile de prédire comment va se dérouler le déconfinement d’un point de vue scientifique car nous n’avons aucun modèle, ni aucun précédent en la matière.
Concernant la durée du confinement, prend-on suffisamment en compte le fait que la situation est psychologiquement dangereuse pour certaines personnes? Par exemple, les Barcelonais ne pourront pas sortir de la ville ou de la banlieue pendant encore au moins 3 semaines. Ces restrictions qui durent depuis le 15 mars dernier ne peuvent-elles pas également être préjudiciables pour la santé nerveuse des individus ?
Bien sûr, j’en suis conscient. Tout comme les complications de la situation économico-sociale dérivée du confinement vont avoir des conséquences sur la santé des personnes affectées. Il n’existe pas un guide scientifique de ce qui est est bien ou mal dans cette crise. Ces décisions qui sont difficiles et compliquées sont des choix politiques. Ceci étant dit nous devons prendre aussi en compte les conséquences d’une seconde vague ou de nouveaux foyers d’infections. Les retombées en matière de tourisme ou d’économie seraient particulièrement négatives. La priorité est d’empêcher la transmission du virus, ne pas détruire l’économie et permettre une vie sociale.
En France, on peut désormais circuler dans tout le pays, accéder aux plages, les centres commerciaux sont ouverts. Comment expliquez-vous les différences avec l’Espagne?
Les grandes et fréquentes réunions familiales, le bon climat, les horaires, le tourisme font que la vie sociale en Espagne est très forte. Le mode de vie espagnol est propice à la circulation du virus. Mais je nuancerais votre question car la France a pris aussi des mesures très fortes et les différences dans les solutions mises en oeuvre entre les deux pays ne sont pas très grandes.
Que pensez-vous de l’ouverture de la frontière franco-espagnole au mois de juillet ?
Il faut le faire avec prudence. Il faut bien expliquer aux touristes l’importance de suivre les recommandations sanitaires et les gestes barrières. Faire venir des vacanciers pour provoquer de nouveaux foyers de contaminations serait très négatif pour le tourisme et pour le pays.