Pere Godoy est le président de la Société Espagnole d’epidémiologie. Egalement professeur à l’Université de Lleida et responsable du comité d’experts des vaccins du gouvernement de Catalogne, le médecin analyse la période de déconfinement en Espagne.
Comment évaluez-vous le plan de déconfinement présenté mardi par le gouvernement espagnol ?
Le risque de transmission du Covid19 en ce moment est très bas, il va le rester, mais il faudra demeurer vigilant. La première mesure visant par exemple à laisser sortir les enfants n’a aucune conséquence sur la circulation du virus puisque des pays comme la France n’ont jamais interdit ce type de sorties. Le plus important pour lutter contre le virus dans les semaines à venir est de maintenir la distance sociale, se laver les mains et porter un masque.
Estimez-vous réaliste qu’a la fin du mois de juin au plus tard, l’Espagne soit entrée dans une nouvelle normalité comme l’annonce le gouvernement ?
C’est une réalité très conditionnée par la discipline personnelle et l’application des gestes barrières. Si tout le monde suit ces règles et que le niveau de contamination reste très bas en Espagne et chez nos voisins européens, nous pourrons en effet vivre une normalité toute relative à partir du mois de juin. Ceci étant dit, les grands rassemblements comme les festivals, les concerts, les événements sportifs ne pourront pas avoir lieu avant la rentrée prochaine, en aucun cas pendant l’été.
Peut-on s’attendre à de grands mouvements de population dès le 11 mai à la réouverture de certains commerces ?
Je pense qu’un haut pourcentage de la population va s’auto-limiter et ne va pas se rendre dans un bar ou un restaurant pendant quelques semaines. Les établissements vont perdre beaucoup de clients, qui préféreront organiser des repas chez eux plutôt que de sortir. Le phénomène peut durer jusqu’au mois de juin, juillet ou septembre. Si les personnes voient le nombre de contaminations continuer à la baisse, elles reprendront confiance peu à peu.
Pourra-t-on partir en vacances en Espagne cet été ?
Comme dans beaucoup de pays, la contamination a été très inégale selon les régions. Il n’y a aucun rapport entre la pénétration du virus en Andalousie qui fut très basse et ce que nous avons vécu en Catalogne ou dans la région de Madrid. Donc les déplacements entre les régions devront se faire avec une grande précaution et avec un fort contrôle. Par exemple, beaucoup de Madrilènes ont leur résidence secondaire dans la région de Murcia. Ce qui signifie une arrivée massive de personnes qui viennent d’un endroit très impacté par le Covid19 qui devra se faire sous une grande vigilance.
Pourra-t-on voyager en Europe ?
Oui je pense. Le nombres de contaminations en Europe va continuer à baisser, et je pense que l’on pourra circuler d’un pays à l’autre sans restrictions. Ceci étant dit, la crise va rester dans la mémoire collective et les citoyens vont s’auto-limiter dans leurs voyages, notamment vers l’Espagne qui a eu beaucoup de cas. Ce ne sont pas forcément les gouvernements qui empêcheront les personnes de voyager, mais elles-mêmes.
Pedro Sanchez annonce l’ouverture des plages espagnoles au plus tard fin juin, est-ce plausible ?
Le risque de contaminations sur une plage est presque nul. Je veux dire par là que le virus ne peut pas être présent sur le sable ou dans l’eau. En revanche, le facteur de circulation du virus sur une plage peut se faire via les personnes. Une nouvelle fois, il sera primordial de maintenir les distances sociales entre les personnes d’un mètre cinquante au minimum. Les mairies doivent empêcher, via leurs polices municipales, qu’il se forme des agglomérations de personnes trop importantes sur leurs plages.