Marlene est boulangère dans le quartier de l’Eixample à Barcelone. En première ligne depuis un mois, elle confie à Equinox son nouveau quotidien.
Comment votre vie a-t-elle changé depuis la proclamation de l’état d’urgence?
Comme beaucoup, je vais juste du travail à la maison, et de la maison au travail. Avant je déjeunais une ou deux fois par mois avec l’une de mes sœurs, je ne peux plus le faire, ni prendre un verre le soir après le travail. Comme beaucoup de gens. J’ai ma belle-mère de 90 ans à maison, donc je dois prendre des mesures pour ne pas la contaminer. Je change de vêtements dès que je rentre, je prends une douche. Je reste 45 minutes dans la cuisine pour n’avoir aucun contact avec elle.
Comment garantissez-vous la propreté du pain et des aliments de votre boulangerie?
Comme tous les lieux où l’on vend de la nourriture, nous avons toujours eu beaucoup de contrôles au niveau de l’hygiène. Ce n’est pas nouveau. Ceci dit pour lutter contre le Covid19, à la boulangerie Supan nous renforçons encore plus le nettoyage de la boulangerie avec de l’eau de javel pour désinfecter les espaces. Nous travaillons en permanence avec des gants et des masques depuis le début de la crise.
Venez-vous travailler la boule au ventre?
Ça dépend des jours. Quand je regarde trop les infos, oui j’ai peur. Au début du confinement c’était le pire, avec tout ce que l’on entendait d’Italie ou d’Igualada ici. Ce qui me fait le plus peur, c’est le métro pour venir travailler, je ne suis pas tranquille. Je mets des gants et un masque.
Au début beaucoup de gens ne croyaient pas à la dangerosité du virus, et se mettaient très près de toi dans les transports, d’une manière très insouciante. Cela me fait peur.
Quelle est l’attitude de vos clients?
Je reçois beaucoup d’encouragements de la part des clients. « Prends soin de toi », « merci pour ton travail ». Les gens s’intéressent davantage à moi, prennent des nouvelles de ma famille. Et moi en retour j’essaie d’être positive et encourageante avec les gens, on ne peut pas se déprimer entre nous.
Les gens paient aussi beaucoup par carte bleue, ce qui est plus hygiéniques que les pièces de monnaie. « On le fait pour ta santé et la nôtre » est un commentaire que j’entends souvent. Je vois aussi beaucoup de gens tristes, ça se lit sur leurs visages.
Qu’avez-vous vu de plus beau dans cette crise?
Ce virus est arrivé pour nous apprendre des choses. Les gens partagent d’une manière différente, sont plus proches les uns des autres. Ils communiquent plus depuis le début de la crise, sont moins froids. Je connaissais toutes les personnes âgées du quartier. Aujourd’hui je vois leurs enfants ou des voisins venir acheter le pain pour protéger les plus vulnérables. Beaucoup de familles vont en sortir renforcées. Un client est entré en applaudissant pour nous remercier de notre travail. C’était un peu bizarre, mais encourageant pour continuer à faire face à ce virus.
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