La période de confinement confronte à une situation inédite qui remet en question une large partie de leurs habitudes. La combinaison de ces deux caractéristiques met à l’épreuve nos capacités d’adaptation.
Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir donner une réponse adéquate à ce problème et nous ressentons donc un stress fort. Comme la recherche l’a montré, le stress n’est autre qu’une réaction à une inadaptation.
Dans notre cas, la réaction de stress est d’autant plus forte que nous sommes sommés de nous adapter dans deux sphères distinctes de manière simultanée : la sphère du travail où nous devons radicalement faire évoluer nos manières de travailler, et la sphère privée où nous devons également revoir nos façons de fonctionner ensemble.
Activer les facteurs modérateurs
Les études récentes sur les effets du confinement en Chine montrent sans surprise des niveaux d’anxiété très élevés, une régulation émotionnelle difficile (beaucoup de colère ressentie) et de nombreux cas de stress post-traumatique quand le confinement dépasse les 10 jours.
La recherche sur le stress nous montre qu’à situation de stress identique, un individu souffrira moins de symptômes s’il sait activer un certain nombre de facteurs dits modérateurs.
Ces facteurs permettent de diminuer les effets d’une situation objectivement stressante sur la réaction psychophysiologique d’un individu. Ces modérateurs sont souvent présents dans notre façon de vivre quotidienne mais, en période de confinement, leur mise en œuvre est bien plus difficile et nécessite un effort conscient et l’acquisition de nouvelles habitudes.
Issus de la recherche sur le stress en général, et sur le stress du confinement tel que vécu dans les sous-marins, voici un ensemble de principes qui, sans être exhaustifs, peuvent nous être utiles dans cette période difficile.
Un rythme dans les activités journalières
Maintenir des activités planifiées (temps de travail, temps de pause, etc.) dans nos journées à la maison permet deux choses :
– Garder notre esprit orienté vers l’action plutôt que sur la rumination : les études montrent clairement que la rumination (c’est-à-dire le fait de penser de façon continue aux aspects négatifs d’une situation) renforce les effets d’une situation stressante. Maintenir des actions simples et planifiées (se lever aux mêmes horaires, s’habiller comme pour une journée de travail, s’imposer des plages de travail pour soi et pour les enfants bien précises, etc.) permet de nous donner un sentiment de contrôle sur l’organisation de nos journées et nous laisse moins de « bande passante » pour ruminer.
– Rester au plus proche de nos rythmes physiologiques classiques: tout changement nécessite de l’adaptation et génère donc du stress, y compris lorsqu’on modifie nos rythmes biologiques. Nous fonctionnons mieux physiquement et psychologiquement quand nous pouvons maintenir un certain nombre d’habitudes, notamment nos rythmes de sommeil et d’alimentation.
En d’autres termes, restez au plus près de vos rythmes physiologiques habituels et résistez au maximum à la tentation « déstructurante » du binge watching (visionnage boulimique) et du snacking.
Conservez également un minimum de mouvement et de respiration dans nos journées. Les recommandations l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont claires : pour bien fonctionner, notre organisme a besoin d’un minimum de mouvement qui puisse solliciter notre système respiratoire et cardiaque. D’où leur recommandation des 10 000 pas par jour.
Bien vivre le confinement
Comme en période de confinement il peut être difficile de maintenir un minimum de mouvement, voici quelques pistes qui permettent de maximiser les possibilités de mouvement dans nos journées :
– Fractionner ses courses de première nécessité pour maintenir au minimum une sortie par jour.
– Bannir l’ascenseur
– Faire son ménage plus fréquemment
– Pratiquer des mouvements type renforcement, gainage, et/ou des étirements 10 minutes par jour (de multiples tutoriels sont à notre disposition)
– Partager nos émotions et renforcer nos liens sociaux
La régulation des émotions et le lien social sont deux facteurs clés de gestion du stress, notamment en situation de confinement. Réguler nos émotions signifie d’abord être en mesure de les reconnaître chez nous puis de les utiliser au service d’une meilleure relation avec les autres. Dans ce cadre, échanger avec notre entourage et notre réseau social sur nos émotions est un élément-clé. Cela nous demande de mettre des mots sur ce que nous ressentons, permettant ainsi d’améliorer notre capacité d’identification de nos émotions. Cela nous permet également de réaliser que nous ne sommes pas seuls à éprouver des émotions négatives.
Dans l’échange téléphonique ou électronique avec les membres de notre réseau (ou plutôt de nos réseaux aujourd’hui multiples), nous pouvons en outre identifier les bonnes pratiques des autres pour faire face à la situation et nous en inspirer.
– Enfin, profiter du ralentissement de notre rythme quotidien pour renforcer nos liens avec ceux qui nous sont chers est un facteur protecteur en termes de stress.
Être un exemple pour nos enfants
Parmi les facteurs stressants de la situation que nous vivons, il y a la responsabilité que nous avons vis-à-vis de nos enfants. Nous leur devons une forme de réassurance, sans mensonge, mais surtout une exemplarité en termes de gestion du stress. S’ils nous voient dans l’incapacité de gérer notre stress, ils pourraient douter de leurs propres capacités à y faire face.
Et la situation qu’ils vivent déjà comme inquiétante pourrait devenir fortement anxiogène. Pour minimiser ce risque et les rendre plus aptes dans le futur à gérer leur propre stress, voici quelques pistes :
D’abord, expliquer à nos enfants que les capacités de gestion du stress s’apprennent et peuvent se peaufiner tout au long de notre vie : c’est ce que le monde militaire a à nous enseigner. Nous pouvons préparer les individus à mieux faire face au stress en leur transmettant dès leur formation initiale un ensemble de techniques d’optimisation du potentiel, qu’ils pourront ensuite approfondir dans des exercices de préparation une fois dans leurs unités.
Il en est de même pour nous civils : nous pouvons apprendre les principes de base de la gestion du stress dès l’école et les peaufiner au cours de nos expériences professionnelles et personnelles.
Ouvrir la discussion sur le stress
Deuxième piste : accepter qu’il y ait des pics de stress et échanger avec nos enfants sur les effets de ce stress au niveau du corps, des émotions et des pensées. Comme les articles récents l’ont suggéré, dire à nos enfants que cette situation est objectivement stressante pour tous va leur permettre d’accepter plus facilement leur propre stress et d’en comprendre les raisons.
De plus, ouvrir avec eux la discussion sur les effets de ce stress va les aider à identifier leurs symptômes de stress dans toute leur diversité (corps, tête et cœur) et à les vivre comme naturels. Cette absence de jugement sur leurs ressentis leur permettra d’être connectés à l’ici et maintenant, et d’orienter leur esprit vers les solutions d’adaptation possibles plus sereinement.
Dans cette situation exceptionnelle qui exige une adaptation forte et rapide dans les sphères privées et professionnelles, nous devons garder à l’esprit que le stress peut se réguler et que c’est dans l’échange et la co-construction avec les autres que nous trouverons les ressources pour faire face.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.