Winnie, infirmière à Barcelone: « Nous avons peur aussi mais il faut être présents »

En pleine crise sanitaire, le personnel soignant travaille sans relâche. Winnie Ngoune est infirmière au centre hospitalier Pere Virgili à Barcelone, elle raconte son quotidien. Témoignage.

Winnie Ngoune, francophone et originaire du Cameroun, a étudié à Barcelone puis travaillé dans de nombreux services hospitaliers. Il y a quelques mois, elle avait quitté les hôpitaux et leur rythme effréné pour travailler dans une mutuelle. Mais comme beaucoup d’infirmières diplômées, la jeune trentenaire a été rappelée la semaine dernière pour venir prêter main forte dans la lutte contre la pandémie.

Comment as-tu vécu ton arrivée en pleine crise?

L’hôpital m’a appelée car la situation est grave, je n’ai pas hésité une seule seconde. Parmi le personnel de santé, beaucoup ne peuvent pas venir car ils ont été en contact avec une personne ayant le Covid-19 ou sont affectés par le virus. C’est la panique, il y a des patients de partout. Parmi ceux qui sont isolés, il y a d’un côté les personnes en attente du résultat, et de l’autre celles  qui sont affectées par le coronavirus. On doit prendre le temps de bien expliquer la situation aux patients, c’est très difficile pour eux psychologiquement. La quarantaine à l’hôpital est plus dure à supporter qu’à la maison. Ils sont enfermés dans une chambre, ils ne peuvent recevoir aucune visite. Les infirmières entrent dans une tenue où tu ne vois que les yeux, certaines personnes pleurent en nous voyant car elles ont peur. Je pense qu’on peut être fières de nous, d’avoir le courage d’entrer car tout le monde ne le ferait pas.

Quel est ton rythme de travail ?

Je vais à l’hôpital tous les jours et je fais aussi les nuits. On peut pas exiger de vraies conditions de travail, les hôpitaux se remplissent si rapidement, il faut être présent.

Quelle est la situation du personnel soignant à Barcelone ?

Nous sommes face à un vrai manque de personnel. Il faut sans cesse remplacer des personnes isolées, mais on ne raconte pas la situation aux patients pour qu’ils se sentent bien et qu’ils ne s’inquiètent pas.

aider soignants espagne covid19Et le moral ? 

On se dit ça va passer, mais qu’on aura sûrement besoin de psychologues quand tout sera fini. Quand nous recevons les résultats nous avons peur pour nous aussi, mais on doit savoir garder le moral pour les patients. Ils s’écroulent quand tu leur annonces qu’ils sont positifs. Il faut les rassurer, en expliquant qu’on va bien s’occuper d’eux, même en étant pas dans la chambre, qu’il y a toujours du personnel soignant derrière la porte. On se relaie le matin, l’après-midi et le soir. Même s’ils sont isolés, les patients ne sont pas oubliés, ils ont une sonnette s’ils ont besoin de quoique ce soit.

As-tu peur pour ta santé personnelle ?

Oui j’ai peur pour moi, mais aussi pour ma famille et mes projets de vie. Le risque zéro n’existe pas, mais nous faisons le maximum pour nous protéger. Nous avons des doubles voire triples protections car nous sommes très exposés. Toutes les infirmières diront qu’elles ont peur, surtout quand les résultats positifs tombent.

Quelles sont les plus belles marques de solidarité que tu as vues ?

Déjà parmi le personnel sanitaire, nous sommes encore plus soudés et unis, personne ne se plaint. Les patients sont notre priorité, mais on oublie pas de s’entraider. Certaines infirmières s’effondrent en apprenant qu’elles sont positives ou qu’elles doivent s’isoler. Il y a quelques jours, une infirmière est venue avec ses amis, qui ne travaillent pas dans le secteur de la santé, nous amener des masques qu’ils avaient ont fait à la main. Ils ont été faits dans le respect des normes et ils nous aident énormément. C’est beau de voir un tel soutien. Malgré la situation, tous les infirmiers te diront qu’ils adorent leur travail .C’est une vocation.

Es-tu touchée par les applaudissements le soir à 20h pour remercier le personnel soignant ?

Oui, car nous recevons aussi des coups, des gens craquent à l’hôpital. Mais c’est appréciable de voir que les gens réalisent que nous risquons nos vies. C’est beau et encourageant d’entendre ça. Pour nous faciliter la tâche, le plus important c’est que tout le monde reste à la maison.

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