Pour la première fois depuis la déclaration d’indépendance de 2017, l’ancien président Carles Puigdemont prévoit de revenir en France sur les terres historiques de la Catalogne. Le meeting du 29 février est censé être l’événement politique de l’hiver. Un rassemblement public qui pourrait finalement ne pas avoir lieu. Reportage.
Pour écouter le discours de Carles Puigdemont à Perpignan, 100.000 personnes sont attendues. Soit l’équivalent du public d’un meeting de clôture d’une campagne présidentielle en France, qui se déroule généralement dans des immenses auditoriums près de Paris. Organiser un tel événement dans une petite ville de province de la taille de Perpignan met les nerfs des organisateurs à vif.
Première conséquence de cette ambiance à fleur de peau : Júlia Taurinyà, la présidente de l’association organisant le meeting a démissionné en début de semaine. Cette journaliste, très engagée pour la cause indépendantiste, ne sera restée que quatre mois à la tête de la fédération locale du Conseil pour la République, l’entité privée de Carles Puigdemont. Des raisons diverses touchant les domaines de la santé, de l’idéologie et de la vie professionnelle ont été invoqués sur Twitter par Taurinya pour annoncer son retrait surprise. « Elle garde tout son enthousiasme dans l’attente du meeting » se rassure son successeur à la tête du Conseil pour la République, Josep Bonet. C’est désormais sur les épaules de ce professeur d’histoire que repose l’organisation du meeting de Puigdemont. « Notre projet est totalement ficelé dans tous les domaines : de l’accueil du public aux normes de sécurité en passant par le plan Vigipirate » assure Bonet.
Sauf que le dossier doit être techniquement validé par la préfecture de Perpignan, ce qui n’est pas encore le cas. La norme est de convoquer une réunion entre les organisateurs et les experts pour vérifier que les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des personnes et des biens sont prévues. A moins de 15 jours du meeting, les services du préfet font les morts et n’ont toujours pas rencontré l’association de Puigdemont. Contactée par Equinox, la préfecture des Pyrénées-Orientales assure que le dossier est en cours de traitement et refuse de donner une date.
Sans attendre la réponse des autorités, l’activisme catalan fonctionne à plein régime : les hôtels perpignanais sont complets, des dizaines de bus au départ de tous les coins de Catalogne sont affrétés. Une centaine de milliers de participants doublerait le nombre d’habitants de Perpignan. La menace du trouble à l’ordre public plane. Un arrêté visant à interdire le rassemblement s’il présente un risque pour l’espace public peut être signé la veille de l’événement, rappelle la préfecture.
Le petit milieu journalistico-politique perpignanais bruisse de rumeurs et voit la main de l’État dans cette affaire. Les services du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner auraient appelé le maire Jean-Marc Pujol pour lui conseiller de ne pas accepter la venue de l’ancien président catalan dans sa ville. En pleine campagne municipale pour sa réélection, le sortant Pujol semble ne pas vouloir se mettre à dos l’électorat catalaniste. « Je souhaite avant tout faire respecter le droit d’un député européen de venir en France » expliquait-il dans nos colonnes il y a une quinzaine de jours.
Une foire animalière le même jour
Mais à la date du meeting prévu de Carles Puigdemont, la mairie a autorisé au même endroit un autre événement : les Animaliades, le salon des animaux. « Je suis dans un grand merdier » nous lâche Mireille Pautrat, l’organisatrice du gala animalier. Elle affirme, contrat de location à la main, avoir réservé le parc des expositions depuis plus d’un an pour son événement qui doit accueillir des professionnels venus des États-unis et de Russie. « Si mon salon n’a finalement pas lieu, je perds 30.000 euros et je mets la clé sous la porte, s’inquiète-t-elle, je suis tombée dans une embrouille politique dans laquelle la mairie et la préfecture se renvoient sans cesse la balle ». Contactée à différentes reprises par Equinox, la mairie de Perpignan n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Pendant ce temps-là à Barcelone, les secteurs indépendantistes sont en ébullition à deux semaines du plus grand rassemblement nationaliste organisé dans le pays voisin. « Perpignan c’est la Catalogne. Et donc la responsabilité que nous avons tous avec Perpignan n’est pas comparable à ce que nous pouvons avoir avec n’importe quelle population étrangère. Le 29, il ne faut pas se rendre à Perpignan pour se promener, mais pour exiger la république catalane » bouillonne le patron du site d’information Vilaweb, l’éditorialiste Vicent Partal.
Si le meeting de Puigdemont est finalement interdit par la préfecture, la venue des indépendantistes pourrait tourner à la grande protestation dans les rues de Perpignan. A deux semaines des municipales.