L’Eglise catholique en guerre contre le gouvernement espagnol

Un bras de fer s’ouvre entre le clergé catholique et la coalition de gauche qui dirige l’Espagne. 

La semaine dernière, dans ces mêmes colonnes, nous relations l’embuscade tendue par la justice espagnole conservatrice contre le nouveau gouvernement socialiste-Podemos (lire ici). Autre contre-pouvoir puissant en Espagne, l’Eglise Catholique voit d’un très mauvais œil l’accès au pouvoir de la coalition progressiste. Le cardinal Cañizares, quelques jours avant l’investiture de Pedro Sanchez en janvier dernier, a appelé à « prier pour l’Espagne » face à une « situation d’urgence » : l’arrivée de la gauche dure au pouvoir. Pedro Sanchez est le premier président espagnol qui n’a pas juré sur la Bible, ni devant un crucifix quand il a été investi.

L’Espagne, historiquement catholique, religion officielle de la dictature franquiste, entretient des liaisons dangereuses avec le mouvement du Pape François. En 1953, pendant le régime du dictateur Franco, le Vatican et le gouvernement espagnol ont signé un concordat impliquant que « l’Eglise et l’Etat étudieront d’un commun accord la création d’un patrimoine (…)  en établissant des dispositions et des exonérations fiscales des biens et activités ». Au retour de la démocratie en 1979 fut rédigé un accord entre l’État espagnol et le Saint-Siège sur les affaires économiques, dans lequel il était établi que « l’Espagne s’engage à collaborer avec l’Église catholique pour lui obtenir un soutien économique suffisant ».

De 1979 à 2007, c’était open bar : chaque année lors de la discussion budgétaire, le parlement espagnol déterminait la somme allouée à l’Eglise catholique ponctionnée sur le budget général de l’Etat. En 2007, le premier ministre socialiste José Luis Zapatero  a essayé -très relativement- de limiter le débit du robinet financier alimentant le catholicisme. Désormais, les représentants espagnols du Vatican seront financés via l’impôt sur le revenu, moyennant volontariat du contribuable.

Concrètement, lors de sa déclaration fiscale chaque citoyen espagnol peut cocher une case permettant à l’Eglise Catholique d’empocher 0,7% de son impôt sur le revenu. Une démarche qui permet à l’Eglise d’encaisser 250 millions d’euros à chaque exercice fiscal.

Le programme électoral des socialistes et de Podemos prévoit d’ajouter une nouvelle case qui permettra au contribuable d’opter pour le financement d’une autre religion, l’Islam ou les évangélistes. Les juifs de leur côté ont demandé à ne pas être mentionnés. Toujours dans le domaine de la fiscalité, le nouveau gouvernement prévoie de soumettre les lieux de culte catholiques sous la taxation de l’impôt foncier. Jusque là, le catholicisme bénéficiait d’une totale exonération fiscale.

Sus à l’école privée

Dans le domaine de l’éducation, le gouvernement a annoncé une offensive contre les écoles privées catholiques, thème ultra sensible. L’exécutif souhaite que la matière de l’enseignement religieux ne puisse plus compter dans les résultats du bac. L’exécutif socialiste souhaite également supprimer les subventions pour les écoles non mixtes garçons et filles. On se rappelle en France, en 1984, du fiasco de François Mitterrand qui avait tenté de démanteler les écoles privées. Un million de personnes sont descendues dans la rue, le projet a été enterré et le ministre de l’Éducation a dû démissionner.

Il sera intéressant de voir si Pedro Sanchez pourra mener à terme sa réforme. Si les socialistes et surtout Podemos sont profondément laïcs, il n’en va de même avec les alliés du gouvernement. Le catholicisme est très enraciné dans le nationalisme basque, et les députés de cette région pourraient exprimer des réserves. Sans parler de la gauche indépendantiste catalane (ERC), dont son président incarcéré Oriol Junqueras est un fervent catholique. Peut-être un des hommes politiques du pays des plus pratiquants. Les amis du président d’ERC ont converti le verset biblique « Dieu est amour » en slogan politique « le junquerisme est amour ».

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