Le processus d’indépendance tel que la Catalogne l’a vécu en octobre 2017 a pris un coup de vieux durant ces derniers jours. L’arrivée au pouvoir d’une coalition Socialiste/Podemos change le climat sur le pays. Le nouveau gouvernement tente de mettre un frein à la justice afin d’effacer les stigmates de la crise de l’automne 2017.
Le point d’orgue de cet ouvrage de réconciliation réside dans la législation permettant une libération rapide des neuf dirigeants catalans incarcérés. Les indépendantistes voulaient la promulgation d’une loi d’amnistie effaçant purement et simplement le verdict du Tribunal suprême condamnant à cent ans de prison au total les leaders séparatistes. Pour éviter le tremblement de terre des contre-pouvoirs juridiques conservateurs, le gouvernement veut une formule plus atténuée pour libérer les prisonniers. Une réforme de la loi en revoyant à la baisse les peines concernant le délit de sédition pourrait permettre aux détenus de quitter leur cellule plus rapidement. Libérer les têtes pensantes de l’indépendantisme, n’est pas le seul plat sur la table de banquet gouvernemental. Le parquet, dirigé directement par le ministère de la Justice, est plus souple dans toutes les affaires judiciaires avec des indépendantistes impliqués. En ce sens les membres des Comités de Défense de la République, incarcérés de manière préventive depuis la fin de l’année dernière dans le cadre d’une affaire de terrorisme, ont été libérés dans l’attente de leur jugement.
Autre relâchement, difficilement concevable il y a quelques mois, le 28 janvier prochain. Les prisonniers catalans pourront sortir de leur cellule pour se rendre au Parlement de Catalogne afin d’assister à un débat. Certes, c’est une décision prise par la Generalitat dirigée par les indépendantistes qui possède les compétences en la matière. Mais il n’y a eu aucune levée de boucliers de la part du gouvernement central. Madrid a également mis de côté tous ses recours contre les motions du Parlement catalan défendant le droit à l’autodétermination. Pour la première fois depuis le début de la crise indépendantiste, l’exécutif central ne saisira pas le Tribunal constitutionnel pour retoquer les dispositions du Parlement catalan. Sur un plan plus politique, la nouvelle ministre des Affaires étrangères Arancha González Laya autorise la Generalitat à ouvrir ses ambassades dans trois nouveaux pays: Argentine, Tunisie et Mexique. Madrid a toujours considéré comme un casus belli l’ouverture de délégation catalane à l’étranger, qui marche sur les plates-bandes de la diplomatie du royaume d’Espagne.
La gauche catalane et espagnole main dans la main
Ce dégel entre Barcelone et Madrid n’est qu’un commencement. La gauche indépendantiste catalane (ERC) et les progressistes espagnols se sont fiancés en janvier pour dégager une majorité parlementaire et permettre au socialiste Pedro Sánchez de devenir Premier ministre. Le mariage aura lieu après les imminentes élections catalanes. Les socialistes et Podemos à leur tour devraient, sans problème, offrir un soutien parlementaire au candidat d’ERC Pere Aragones pour devenir le 133e président de la Catalogne. Cette union des gauches mettra hors-jeu la droite indépendantiste de Carles Puigdemont, et avec elle l’unilatéralisme indépendantiste.