A Barcelone, la mode éthique contre les géants du prêt-à-porter

A Barcelone, des associations et marques s’engagent pour rendre l’industrie de la mode plus responsable face aux poids lourds du secteur. Rencontre. 

« Nous voulons entamer une révolution pacifique dans le secteur de la mode » explique d’une voix assurée Gema Gomez fondatrice de Slow Fashion Next et coordinatrice nationale de l’association Fashion Révolution. L’ancienne désigneuse a décidé de lutter frontalement contre l’industrie de la fast-fashion en Espagne. C’est-à-dire la mode jetable. Après avoir travaillé dans des instituts de mode à Paris et dans des grands groupes à Madrid, Gema Gomez a découvert les impacts environnementaux et sociaux de son métier, et a lancé sa propre aventure : « Lorsque je me rendais en Asie pour développer les collections j’ai découvert des horreurs qui n’avaient rien à voir avec mes valeurs. J’ai voulu changer les choses. Désormais avec mon équipe, je forme les professionnels du textile pour créer des collections éco-responsables. »  En Espagne, Fashion Révolution a été créé en réaction à l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013 où 1135 personnes sont mortes.  L’immeuble abritait des ateliers de confections de diverses grandes marques. Des consignes d’évacuation données la veille, après l’apparition de fissures, avaient été ignorées par les responsables des ateliers. L’accident a révélé au monde entier les conditions dans lesquels travaillaient  les petites mains des grandes marques.

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Gema Gomez lors d’une manifestation pour le climat

La militante a travaillé en Amérique Latine et en France avant de revenir dans son pays d’origine, l’ Espagne. Elle est désormais  devenue une référence en matière de mode responsable.  En plus des formations avec ces élèves, Gema Gomez mène plusieurs actions coup de poing : « On a fait une campagne de communication sur les réseaux sociaux pour que les consommateurs ramènent leurs vêtements et se posent  la question « qui  fabrique mes vêtements? ».  L’idée c’est de poster une photo avec le hashtag #whomademyclothes. »

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La mode, une des industries les plus polluantes au monde

Acheter toujours plus de vêtements, mais de moins en moins cher. C’est le crédo de la mode jetable ou fast-fashion. A Barcelone, la fast-fashion est particulièrement importante. Impossible de se balader dans les rues sans apercevoir une grande enseigne de prêt-à-porter. Cette surconsommation fait de la mode une des industries les plus polluantes de la planète. Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, la production et le transport des textiles génèrent 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre par an. Une pollution plus importante que les gaz émis par les vols internationaux et les transports maritimes réunis.

Parallèlement, on assiste à une prise de conscience de certaines marques et consommateurs. Notamment avec l’émergence de la slow fashion. Cette mouvance valorise le fait d’acheter des vêtements de seconde main ou d’investir dans des vêtements fabriqués localement avec des matières éthiques. Marie Chaissac, Française installée à Barcelone depuis 7 ans, est une des actrices de ce mouvement. A son échelle, la jeune femme essaie de rendre l’industrie de la mode plus responsable et a récemment créé une ligne de vêtements éthique et locale. La jeune femme explique avec le sourire : « Comme Londres ou Paris, Barcelone reste une ville où beaucoup de personnes viennent pour faire du shopping. La culture des friperies est moins développé qu’en France. Les consommateurs se dirigent principalement vers les grands groupes de prêt-à-porter. » 

 A 30 ans, et après avoir suivi des études de marketing, elle a lancé sa marque Gaston in Barcelona:  « en accord avec mes valeurs, je voulais que les vêtements soient conçus localement. Le pari est réussi puisque tous mes fournisseurs sont à Barcelone ou en Catalogne. L’idée c’était de créer des basiques qui ne se démodent pas. »

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Marie Chaissac, lors de la conception de sa collection pour Gaston in Barcelona

Gaston in Barcelona est disponible en ligne et dans deux boutiques, une à Barcelone et une autre à Gérone. La créatrice propose des modèles de jupe à 69 euros et des tee-shirts à 29 euros: « Lorsque l’on achète des vêtements à très bas prix, c’est important de se demander combien va être rémunérée la personne qui a conçu le produit. En fabriquant à Barcelone, le droit du travail est respecté.  C’est aussi une manière de réduire les circuits d’approvisionnement et le transport.« 

En réaction à la pression des associations la plupart des marques de fast-fashion ont sorti leurs collections de mode éco-responsables : Join Life pour Pull and Bear et Zara, Commited pour Mango… Mais la plupart de ces collections continuent d’être fabriquées dans des pays oú les travailleurs ne disposent pas d’un code de travail éthique et d’une rémunération déçente. La collection éco-resopnsable join life de Pull and Bear est conçue au Bangladesh.

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La collection éco-responsable de Pull and Bear est fabriquée au Bangladesh.

La plupart de ces grandes enseignes appartiennent au leader mondial du marché du textile : Inditex.  Le fondateur du groupe n’est autre qu’Amancio Ortega, qui a été désigné homme le plus riche d’Espagne et sixième milliardaire du monde en 2018 selon Forbes. Contacté par Equinox, le groupe Inditex n’a pas souhaité répondre à nos questions.

A l’approche de la fin d’année, la prochaine grande action de Fashion Révolution en Espagne est d’inviter les consommateurs à boycotter le Black Friday , journée mondiale de promotions, qui aura lieu le 29 novembre prochain. Une date clée pour le groupe inditex qui mise sur cette journée pour écouler ses stocks.

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